Vanille Chocolat

La traversée de l'ouest de la France en autonomie

Août, Septembre, Octobre et Novembre 2021

En soutien à l'association "Les Ailes de Matis"

La Mer du Nord, la Manche, l'Atlantique, une moustache, une paire de chaussures, un sac trop lourd, plus de 50 kilomètres par jour...

Un long voyage iodé de Bray-Dunes à Hendaye par les plages et les sentiers du littoral Français.
Le journal de bord (du vide) d'un marcheur en quête de sens dans un monde en pleine mutation.

Chapitre 0 : "Passeport sanitaire" (partie 1)

Jour -23 : "L'annonce"

"Mhous Tikh, il va falloir prendre des décisions brutales et RA-DI-CALES.
- Ça y'est, on retourne au Cambodge ???
- Oooh que non ! Un confinement vient d'être décrété dans plusieurs de ses provinces... Nous allons faire l'économie d'un nouveau séjour en prison dorée.
- Tu vas enfin te remettre à travailler ???
- Tu es fou malheureux ! Il me reste juste ce qu'il faut pour...
- Encore repartir ???
- Exactement Mhous Tikh !
- Mais...
- Mais quoi ?
- Je commençais tout juste à m'acclimater...
- Eh bien tu vas continuer. Cette fois je vais vagabonder en solitaire.
- Une introspection ?
- Presque ! Il y aura quand-même ma moustache à supporter... Et vu le programme qui m'attend, elle risque de prendre de plus en plus de place très rapidement... Tailler sa route c'est comme tailler sa moustache : plus elle est longue plus c'est facile.
- N'importe quoi... Comment ça "longue" ?
- Plus de 4000 kilomètres.
- 4000 kilomètres ??? Tu n'as jamais fait aussi long !!!
- Non, mais j'ai déjà fait plus court... Direction Bray-Dunes à la fin du mois !
- Pour y faire quoi ?
- Redescendre... Jusqu'à Hendaye ! En empruntant les chemins les plus iodés possible !
- Le long des côtes ?
- Exactement !
- Quel intérêt ?
- Aucun. Si ce n'est stimuler mon système immunitaire à défaut d'user mon passeport sanitaire.
- Tu es vraiment un grand malade...
- Jusqu'à preuve du contraire pas encore !
- Elle est complètement bidon ton annonce de projet Bibote... Complètement bidon..."

Un temps prévu à l'automne, le retour de Bibote et Mhous Tikh en terres Cambodgiennes s'éloigne encore... Il faudra se contenter d'une nouvelle "petite" aventure avant de repartir au turbin.
Trois mois, la Manche, l'Atlantique, une paire de chaussures, un sac trop lourd, près de 60 kilomètres par jour... Bibote est fier de vous présenter... "Vanille Chocolat" !
"Vanille Chocolat" ? Vous comprendrez bientôt pourquoi...

Jour -19 : "La fin d'un monde"

"C'est le dernier jour Mhous Tikh ! Demain plus rien ne sera jamais comme avant !
- Ne m'en parle pas...
- L'heure de la grande révélation est enfin arrivée !
- La fuite volontaire d'un laboratoire ??? J'en étais sûr...
- Mais non andouille ! L'association !
- Une association ??? Le groupe Bilderberg ? Le Forum Économique Mondial ?
- Et c'est reparti... Non, l'association pour... LA CAGNOTTE !!!
- C'était évident... Il fallait bien finir par la rembourser cette dette... Sinon certains s'en chargeront pour nous... Et vive la route de la soie de cinquième génération...
- Ne serait-il pas temps de désactiver la connection internet de notre téléphone Mhous Tikh ? Une route il y aura bien, mais pas juste pour soi.
- Une cagnotte "solidaire" ?
- Eh oui !
- C'est génial tout ça ! Et pour qui donc ?
- Une association.
- D'aaaccooord ! Tu deviens plus limpide quand tu fais un effort !
- "Les Ailes de Matis". Voilà son petit nom.
- Et il faudra donner ?
- Un peu, beaucoup, ou rien du tout. Ça sera aux gens d'en décider. Vu le chemin qui attend ma moustache, ils auront largement le temps d'y réfléchir.
- Tu t'imagines que le prix des vaccins a encore augmenté Bibote !
- Quel est le rapport avec ma cagnotte ???
- La rapport c'est que l'argent ne fait pas toujours le bonheur. Mais lorsqu'il est entre des mains désintéressées, il peut largement y contribuer.
- Enfin une intervention intelligente Mhous Tikh ! Il était temps..."

Le départ de Bibote approche et son projet continue à prendre forme. Pour découvrir l'association "Les Ailes de Matis", qui vient en aide aux enfants atteints de maladies rares, rendez-vous sur Instagram (@lesailesdematis) et sur Facebook (facebook.com/Les-ailes-de-Matis).

Jour -11 : "Rendez-vous la semaine prochaine"

"Départ la semaine prochaine Mhous Tikh !!!
- Déjà ???
- J'espère que tu es prêt !
- Prêt à quoi ? Puisque monsieur a décidé de partir seul...
- À garder la maison pendant ces trois mois !
- Mais Bibote... Tu n'as plus de maison...
- Ah oui c'est vrai... Mon appartement alors !
- Plus d'appartement non plus...
- Ma tente ?
- Elle sera dans ton sac...
- Bien vu... Je sais ! Tu vas me remplacer au boulot !
- Ton contrat se termine dans trois jours...
- En effet... Tu vas donc t'occuper de la gestion de mon capital ! Il est hors de question que mon argent continue sa sieste spéculative à l'ombre des taux d'intérêts mirobolants de mon livret A !
- Je te rappelle aussi que tu n'as plus un kopeck...
- Quelle déchéance... J'ai vraiment tout raté Mhous Tikh. Même ce passeport sanitaire je ne suis pas foutu de l'avoir dans ma poche...
- Plus de 4000 kilomètres sans passe sanitaire ??? Mais comment tu vas faire ???
- Me servir de la dernière chose valable qu'il me reste en ce bas monde : ma... MOUSTACHE !!!
- Finalement je suis bien content de rester dans les Landes Bibote..."

La date officielle du départ de Bibote est encore secrète ! Même lui ne la connait toujours pas... Mais quoi qu'il arrive, il s'élancera de Bray-Dunes avec les moyens du bord en fin de semaine prochaine !

Chapitre 0 : "Passeport sanitaire" (partie 2)

Jour -4 : "La cagnotte"

"Bibote, tu vas me faire le plaisir de retirer de suite ton affiche de cette poubelle !
- Tout est fichu Mhous Tikh... FI-CHU !
Le message est très clair : je dérange le système. Le dernier jeune premier qui s'est mis en marche moins d'un an avant des élections a fini à l'Élysée... J'ai juste eu la mauvaise inspiration d'avoir un peu trop d'ambition.
- Cette obsession devient pathologique ! Quel est le rapport entre ton président et un piratage informatique ?
- J'y réfléchis encore... Mais il m'a fallu 33 ans pour créer un compte Facebook et seulement 5 mois de plus pour être obligé d'en refaire un à l'identique... Quel enfer ! Pour l'annonce en grande pompe de mon départ avec mes centaines d'amis, c'est râpé...
- Alors tu la feras en petite pompe.
- Je pars jeudi Mhous Tikh.
- Jeudi ??? Mais pourquoi ?
- Pourquoi jeudi ?
- Non : pourquoi un homard ? "Vanille Chocolat" ça n'avait déjà pas grand chose à voir avec une balade de plus de 4000 kilomètres... Alors un homard... Le scénario de tes prochaines aventures m'a l'air complètement bancal...
- Le homard c'est simplement pour soutenir l'association "Les Ailes de Matis". Nous allons participer à l'achat de cadeaux de Noël qui seront offerts aux enfants de l'Hôpital Necker ! C'est pas génial ça ??? Toutes les âmes charitables seront donc les bienvenues. Elles auront en plus de nombreuses semaines pour se décider !
- Pourtant les enfants ça ne vote pas...
- Où est le problème ?
- Si tu veux être président Bibote, c'est aux gens qui votent qu'il va falloir faire des cadeaux. Tu as vraiment tout à apprendre...
- Je crois que partir sans toi sera finalement la meilleure décision de mon quinquennat Mhous Tikh ! Et de loin !"

Bibote s'engagera officiellement dans la campagne "Vanille Chocolat" jeudi ! Direction Bray-Dunes par le rail avant débuter son périple à destination d'Hendaye dès les premières lueurs du jour vendredi matin !
Il vous donnera rendez-vous tous les jours pour suivre son pèlerinage iodé !
Et pour la cagnotte en faveur de l'association "Les Ailes de Matis" (que je vous invite à découvrir sur la toile), c'est par ici :
www.leetchi.com/c/vanille-chocolat
Merci d'avance !

Jour -2 : "Au revoir Mhous Tikh"

"Bon. Quel sera ton programme pendant mon absence Mhous Tikh ? 
- Ta photo est floue.
- C'est volontaire...
- Oui, mais elle est floue. 
- Ça ne répond pas à ma question...
- Je vais préparer une batterie de solutions pour gérer les conséquences de ton futur échec commercial. Qu'as-tu prévu à ton retour Bibote ? As-tu un business plan ? Tes projets personnels et professionnels ont-il un modèle économique durablement viable ? Penses-tu faire carrière dans le secteur très "prometteur" de la photo floue ?
- Hein ???
- Les gens ne veulent pas ça Bibote... Les gens veulent voir ta frimousse, des vidéos impressionnantes, des textes courts et percutants, des performances sportives, des sponsors prestigieux...
- Tu sais quel est notre principal problème Mhous Tikh ? Moins il nous en manque, plus on nous en donne.
- Tu vas me manquer Bibote...
- Toi aussi Mhous Tikh... Allez ! Viens sur mon épaule !"

C'est l'heure pour Bibote et Mhous Tikh de se dire au revoir. Nul doute que ce dernier aura fort à faire pour préparer le retour d'une moustache hirsute et ensauvagée après de longues semaines sur les sentiers. Et l'automne ne serait-il pas la saison idéale pour qu'un moustique allergique au rouge continue à découvrir les petits coins de paradis Landais ?

Jour 0 : "Le Grand Nord"

Départ : Léon - Arrivée : Bray-Dunes
Distance : 1000km (et des poussières de charbon) - Dénivelé : +?m/-?m


"Me voilà arrivé à Bray-Dunes à la tombée de la nuit. Il m'aura fallu moins d'une journée mécanisée (et une vingtaine de kilomètres à pied en guise d'échauffement...) pour atteindre le "Grand Nord" hexagonal.
Aujourd'hui la vitesse est tout : un dû, un devoir, une quête. La lenteur en devient luxueuse de rareté. Quel plaisir d'être riche des paisibles semaines qui m'attendent !
Beaucoup me souhaitent "bon courage". Du courage il leur en faudra bien plus qu'à moi... Mon sac sera toujours moins lourd que l'invisible accroché à leurs épaules.
Au revoir le quotidien et bonjour le GR120 ! Demain c'est la première longue journée d'une nouvelle aventure..."

Chapitre 1 : "Pas encore le pied"

Jour 1 : "Pieds d'argile"

Départ : Bray-Dunes - Arrivée : Gravelines
Distance : 57,77km - Dénivelé : +131m/-155m


"Enfin mon pèlerinage démarre !
Ragaillardi par la splendeur de l'aube Opaline et les vestiges de notre grande Histoire, j'avais aujourd'hui pour ambition de redevenir la bête avide de kilomètres que j'avais laissée sommeiller depuis mes dernières échappées.
Problème... Habitués au doux amorti des raidillons Basques et des tucs Landais, mes pieds ont peiné à supporter l'impact de mon corps lesté sur toutes ces routes goudronnées.
Une bête oui, mais pas à manger du foin ! La fin de ma traversée des paturages Nordistes attendra demain...
De toute façon, est-ce que ma moustache aurait été assez téméraire pour se risquer à traverser la jungle Calaisienne à la tombée de la nuit ? Sûrement pas !"

PS : Un grand merci à l'équipe d'aviron de Gravelines pour son accueil aussi improvisé que chaleureux !

Jour 2 : "Mayonnaise"

Départ : Gravelines - Arrivée : Wissant
Distance : 51,24km - Dénivelé : +358m/-366m


"Toujours chauds comme des baraques à frites, mes satanés pieds ont encore décidé de compliquer cette étape du premier à son dernier kilomètre.
J'ai pourtant essayé de leur appliquer une quantité non négligeable de mayonnaise "reposante" achetée à prix d'or dans une pharmacie Calaisienne... Mais malheureusement rien n'y a fait...
Il va vite falloir trouver une solution à ce problème avant que la moutarde me monte à la moustache.
Je me consolerai de ces longues heures de souffrance avec le spectacle magique du coucher de soleil sur le Cap Blanc-Nez. En croisant les orteils pour que mes pattounes soient enfin de la partie demain !"

Jour 3 : "Traitement de choc"

Départ : Wissant - Arrivée : Camiers-Sainte-Cécile
Distance : 51,13km - Dénivelé : +468m/-450m


"Protocole du traitement révolutionnaire du professeur Moustache en attendant le futur vaccin contre le mal de pieds :
- Massage aux huiles essentielles de gaulthérie et d'eucalyptus citronné. Trois minutes par pied trois fois par jour.
- Augmentation de la plage de récupération. Une heure de sommeil supplémentaire.
- Randonnée balnéothérapique pieds nus en milieu naturel de quatre à cinq kilomètres en début de matinée et en fin d'après-midi. Prévoir des passages de repli entre les falaises et les zones de marnage rapide pour éviter de se tremper le derrière...
- Desserrage extensif des lacets afin de permettre une dilatation totale du pied en cas de hausse significative des températures. Veiller à maintenir une vigilance rouge "cheville baladeuse" dans les portions techniques.
Porté par des vents favorables, j'ai l'impression que mon protocole (toujours en attente d'homologation par l'Organisation Mondiale de la Santé) a eu son petit effet : j'arrive déjà au Touquet !
Depuis l'appentis du vestiaire "arbitres" du complexe sportif de Camiers-Sainte-Cécile (où mon bivouac a été très discrètement installé...), le démarrage de la seconde période de ce GR120 vient d'être sifflé !"

Chapitre 2 : "La fin du nord"

Jour 4 : "La montagne plate"

Départ : Camiers-Sainte-Cécile - Arrivée : Fort-Mahon-Plage
Distance : 51,81km - Dénivelé : +171m/-196m


"Des bâtiments s'élèvent peu à peu au bout de cette ligne droite infinie. Tout est plat. Tellement plat... De pas en pas, de blockhaus en blockhaus, kilomètre après kilomètre.
Je me retourne et le Touquet est juste là... Cela fait pourtant deux heures que je marche !
À ma gauche, la dune. À ma droite, la Manche. Et devant... Non, ne regarde pas devant. Baisse la tête et avance. Avance patiemment comme tu le ferais pour atteindre un sommet. Cette fois, ça sera Berck. À pas loin de...10 mètres d'altitude... Pourtant, tout paraît si raide au milieu de ce vide ensablé...
Peut-être que cette plage est une montagne... Une montagne... plate.
Aaah ! Cette ligne droite entre Berck et le Touquet... Pendant longtemps je m'en souviendrai ! 

Jour 5 : "Flan pâtissier"

Départ : Fort-Mahon-Plage - Arrivée : Cayeux-sur-Mer
Distance : 51,18km - Dénivelé : +135m/-153m

"Arrivé à la pointe Nord de la baie de Somme, on aperçoit celle de son Sud. Si près ? Tout devrait aller très vite !
La baie de Somme serait paraît-il l'une des plus belles du monde... C'est en tout cas ce que prétendent fièrement ses habitants. Tout ça est assez subjectif... Ce qui est à-peu-près sûr, c'est que pour en faire le tour il vous faudra marcher une bonne trentaine de kilomètres. 30 kilomètres en long, en large, et en travers... Et 30 kilomètres à tourner en rond... C'est long.
Ce que j'en retiendrai ? Le merveilleux flan pâtissier d'une bonne adresse Crotelloise. Le meilleur du monde ? C'est à-peu-près sûr (aussi...).
Effet du flan pâtissier ou pas, j'ai enfin retrouvé mes gambettes. Car oui, étant donnée ma vitesse de progression aujourd'hui, il aurait été possible que j'arrive au Tréport dès ce soir pour terminer ce GR120. Finalement je remettrai ça à demain matin et me prépare déjà un après-midi de repos aux petits oignons. Ma moustache pourra enfin souffler un peu ! Après pas loin de 300 kilomètres en moins de six jours, elle en aura sûrement besoin..."

Jour 6 : "Le point"

Départ : Cayeux-sur-Mer - Arrivée : Criel-sur-Mer
Distance : 28,97km - Dénivelé : +429m/-444m


"Le GR120, c'est terminé ! Adieu le sentier du littoral et bonjour celui des falaises. Un autre GR, le numéro 21 cette fois. Il devrait conduire ma moustache jusqu'au Havre. Et le peu qu'elle a pu en apercevoir en cette belle matinée lui donne un goût de reviens-y !
Mais avant ce nouveau départ, petit point sur la semaine passée. Les gens aiment ça : "faire des points". Ils organisent des discussions et des réunions pour "faire des points". "Faire des points" en devient tellement important, que l'on passe souvent beaucoup plus de temps à "faire des points" qu'à faire ou défaire ce qui permettrait d'en refaire...
Je m'égare... Pour les amateurs de géographie et de cuisses galbées, un petit récapitulatif en images de ces six premières journées.
J'entends déjà les "il n'avance pas" des grincheux. Que leur répondre ? Que la limace est aussi rapide que l'escargot. Pourtant, elle ne porte pas sa maison sur le dos...
Ah ! J'oubliais... Pour ceux qui auront la patience de lire mes textes "interminables", mais toujours limités au nombre de caractères admis dans une publication Instagram, je rappellerai de temps à autre le lien vers la cagnotte participative en faveur de l'association les "Ailes de Matis". Le voici :
www.leetchi.com/c/vanille-chocolat
Merci d'avance pour le partage !"

Chapitre 3 : "Premières ascensions"

Jour 7 : "Grimpette"

Départ : Criel-sur-Mer - Arrivée : Sainte-Marguerite-sur-Mer
Distance : 51,44 km - Dénivelé : +1069m/-1056m

"Quel bonheur ces lendemains de jours de repos ! Les jambes légères, le sac rempli de victuailles raffinées, les textiles senteur lavande, la moustache finement taillée au sommet de son capital d'attractivité... Et si toutes mes journées devenaient des lendemains de jours de repos ? Enfin une bonne idée ! Par contre, pas sûr qu'elle me mène bien loin...
Le repos c'est bien beau, mais mon petit intermède récupération et logistique d'hier après-midi est terminé. Me voilà reparti en vadrouille sur les sentiers du GR 21.
S'il y avait une chose à retenir de ce jeudi ? Le soleil ? Les falaises ? Les propriétés somptueuses entre Dieppe et Sainte-Marguerite-sur-Mer ? Non... Il y a mieux. Enfin des montées. Des vraies ! Courtes peut-être... Mais dont les pourcentages n'auraient rien à envier au taux de matière grasse d'un bon camembert Normand. Ça y'est ! Ça grimpe ! Il était temps..."

Jour 8 : "Hors du temps"

Départ : Sainte-Marguerite-sur-Mer - Arrivée : Saint-Pierre-en-Port
Distance : 54,72km - Dénivelé : +685m/-653m

"Avant de démarrer mon petit billet d'humeur, je tenais à préciser que je n'étais pas sponsorisé par le Syndicat Normand de la Promotion Touristique, ni par l'Association Française des Moustachus Réactionnaires. Quand on est même pas foutu de l'être ne serait-ce que par une marque de chaussettes, on est bien loin de ces considérations commerciales...
Pour faire simple, je voulais juste déclarer ma flamme à la Normandie. Celle qui sent bon l'iode et le purin.
Ici on ne va pas à la plage pour faire des selfies en mangeant des burgers chimiques et des frites congelées avec des fausses Ray Ban sur le nez et des enceintes "bloutoutes" qui vomissent trop de décibels urbains. Non... Ici on va gentiment se rafraîchir dans la Manche en dégustant un roman tranquillement installé sur un tapis de galets. Puis on rentre chez soi dans la quiétude en contemplant une exposition de tableaux de maîtres.
À une époque où notre monde se noie dans la vilaine tambouille "numérico-progresso-consumériste", traverser des endroits hors du temps comme les petits villages côtiers Normands fait du bien.
Mais s'il vous plaît, serait-il possible de calmer le jeu avec les éoliennes ?"

Jour 9 : "Terrain bien exposé avec vue dégagée"

Départ : Saint-Pierre-en-Port - Arrivée : Criquetot-l'Esneval
Distance : 50,83km - Dénivelé : +915m/-816m

"C'est incontestable, les falaises Normandes sont somptueuses. Mais pourquoi Dame Nature ne les a pas équipées d'arbres ? Aucun arbre ne serait assez courageux pour se risquer à vivre dans ce paradis avec vue sur mer ? Quelques tempêtes de temps en temps et un peu d'érosion... Bref, des broutilles !
En attendant, il a fait chaud aujourd'hui... Même très chaud... Alors quand le soleil cogne, vous avez beau tourner le problème dans tous les sens (et vous avec), la seule ombre à l'abri de laquelle vous pouvez trouver refuge sur ces falaises, c'est la vôtre. Ce qui est assez gênant pour se rafraîchir...
La morale de cette histoire ? Un gros coup de chaleur, un moustachu sous le robinet d'un cimetière, et une fin d'étape à la dérive. Ça tombe bien : ça ne sera sûrement pas la dernière !"

Chapitre 4 : "Coup de chaud"

Jour 10 : "Le jour du Seigneur"

Départ : Criquetot-l'Esneval - Arrivée : Honfleur
Distance : 44,49km - Dénivelé : +406m/-533m


"Il est environ 13h00 quand j'arrive au Havre. Au loin, un panneau lumineux s'élève comme un mirage... La sanction tombe : 40 degrés au soleil. Si ce n'est pas l'enfer, ça s'en rapproche.
La température est une chose, le parcours en est une autre... Si au moins les paysages pouvaient me rafraîchir l'esprit ! Rien à faire : ma pénitence durera tout l'après-midi. Le bitume incandescent de la banlieue Havraise et de ses docks en sera le théâtre. En point de mire, mon objectif : le majestueux pont de Normandie. Une fois qu'il sera traversé et que j'aurai trouvé une aire de bivouac correcte, je stopperai mon avancée.
J'atterris finalement à Honfleur. En ce jour du Seigneur, pas de miracle : ma moustache n'a jamais supporté la chaleur et ce n'est pas près d'arriver...
Et demain ? Un nouveau sentier : le tour du Cotentin ! Par contre, il devrait faire encore plus chaud..."

Jour 11 : "L'expression bidon"

Départ : Honfleur - Arrivée : Merville-Franceville-Plage
Distance : 55,63km - Dénivelé : +700m/-707m


"Aujourd'hui Bibote est fier de lui. Il a su gérer son allure, faire attention à son hydratation, se nourrir convenablement, prendre des pauses aux moments opportuns, etc... Si bien qu'en ce lundi caniculaire, il a survolé les doigts dans la moustache tous les (petits) obstacles des premiers kilomètres de ce GR223. Aussi improbable que cela puisse paraître, il n'a même pas transpiré... Une vraie journée de gala !
Tiens, c'est bizarre... Bibote écrit à la troisième personne du singulier... Il va de suite falloir qu'il arrête et qu'il redescende sur Terre. Cette étape sans encombre malgré les fortes chaleurs serait-elle "l'exception qui confirme la règle" ?
Oooh non... Je viens de sortir une expression toute bidon... Et même plusieurs juste avant en y réfléchissant bien... Mais là je l'ai en plus encadrée avec des guillemets ! Décidément, quelque chose n'a vraiment pas tourné rond aujourd'hui..."

Jour 12 : "Le bon rythme" 

Départ : Merville-Franceville-Plage - Arrivée : Courseulles-sur-Mer
Distance : 34,55km - Dénivelé : +78m/-48m


"Le rythme de cinq journées pleines et une allégée convient parfaitement à ma moustache. C'est un bon compromis en termes physique, mental, logistique, et... hygiènique. 
Aux degrés celsius près, cette balade du jour le long des plages du débarquement m'aura permis de récupérer après les péripéties "volcaniques" de samedi et dimanche. 
Pour les passionnés de veines saillantes et de vues aériennes, voici donc le récapitulatif de mes six dernières étapes. 
Niveau cagnotte (toujours en faveur de l'association "les Ailes de Matis"), il faudrait être bien imaginatif pour établir, après douze jours de vagabondage, une quelconque corrélation entre l'élévation de son montant et l'usure de mes semelles. 
Je ne perds pas espoir ! Bien sûr les gens pragmatiques me diront que des défis sportifs solidaires avec des cagnottes participatives, c'est comment dire... Heu... Il y en a beaucoup trop ! Voilà ! 
C'est sûrement vrai. Mais là, c'est différent : il y a aussi une moustache ! 
Que faut-il en déduire ? Que des millions de personnes me suivent en secret. Peut-être même sans le savoir... Et bientôt... Vous allez voir ce que vous allez voir !!!" 

Chapitre 5 : "Carnet de guerre"

Jour 13 : "Désertion"

Départ : Courseulles-sur-Mer - Arrivée : Pointe du Hoc
Distance : 54,68km - Dénivelé : +525m/-489m

"En sillonnant avec un grand respect les plages du débarquement, on pense forcément à tous ces jeunes hommes qui furent prêts au sacrifice ultime pour défendre leurs idéaux.
Quelles sont nos guerres aujourd'hui ? La taille de notre écran plat ? Le nombre de nos abonnés sur les réseaux sociaux ? Le motif de notre prochain tatouage ? Une petite promotion professionnelle ? La rentabilité de nos plans d'épargne ?
Si tels sont nos combats, je suis devenu un déserteur du présent. Pourtant, je n'en ai pas honte.
Ce matin, j'ai croisé au détour d'un sentier Daniel, le Maire du petit village de Tracy-sur-Mer. Il ramassait des baies sauvages (en tout cas pas des mûres...) et nous avons entamé une agréable conversation.
Lui aussi avait déjà déserté le temps d'une traversée Nord/Sud de la France. Parti de Bray-Dunes (tiens donc...), il avait atteint les terres Catalanes après 1600 kilomètres de marche. Je sentais toute son émotion quand il se remémorait et me racontait son voyage. La même émotion qui aurait pu envahir un ancien soldat s'il m'avait décrit sa plus belle bataille. Une de celles où les hommes trouvent en eux ce pourquoi ils en seront toujours des vrais.
Mais alors... Qui sont finalement les déserteurs du nouveau monde ?"

Jour 14 : "Au bout de cet ennui"

Départ : Pointe du Hoc - Arrivée : Utah Beach
Distance : 54,42km - Dénivelé : +150m/-181m


"Put*** d'embouchures...
Marcher le long d'une rive en étant nargué par l'autre. Apercevoir au loin ce foutu pont. Traverser ce cours d'eau que j'aurais mis moins d'une dizaine de minutes à franchir à la nage. Puis repartir dans l'autre sens avec la mémoire encore fraîche du labeur qu'il me restera à accomplir...
Pourquoi ? Pour me retrouver quelques heures après à l'exact endroit où je pestais déjà quelques heures avant... Exact ? Pas tout à fait. Juste de l'autre côté...
L'Histoire retiendra que ma moustache a dégoupillé dans le bocage Normand. Après 45 kilomètres, les grossièretés ont fusé. Pendant près d'une heure... Un flux ininterrompu jusqu'à mes premiers pas sur le sable humide de Utah Beach.
Ces choses font partie du jeu. Que faire quand les nerfs lâchent ? Avancer. Tant pis... Avancer mètre après mètre jusqu'au bout de cet ennui."

Jour 15 : "Sec c'est propre" 

Départ : Utah Beach - Arrivée : Vrasville
Distance : 51,49km - Dénivelé : +113m/-147m
 
"À force de ruminer mon épisode "randonneur atteint du syndrome de la Tourette", j'en avais presque oublié que vivre en extérieur présentait énormément d'avantages ! 
En voici un exemple concret... Sous un ciel très incertain, je venais tout juste de déposer mon petit cadeau matinal non loin de mon bivouac quand les dieux de la météo m'ont répondu dans la foulée... En même pas cinq secondes, il s'est aussi mis à tomber de la merd... Une grosse averse pardon ! 
Ni une ni deux, me voilà galopant vers ma tente autour de laquelle tout mon matériel était "élégamment" étendu. Trop tard... Le bien était fait : mouillé c'est lavé ! Trempé doit donc être extrêmement bien lavé alors ! 
Et comme sec c'est propre, il a fallu attendre quelques éclaircies pour organiser des pauses "séchage" de l'intégralité de mon sac... Presque deux heures perdues dans l'affaire pour un résultat très mitigé. 
C'est dans une ambiance humide que je m'apprête à fermer l'œil. Il l'a d'ailleurs bien mérité tant il a eu du travail à dévorer les paysages de la pointe Nord du Cotentin aujourd'hui." 

Chapitre 6 : "La pointe du beau"

Jour 16 : "Érosion"

Départ : Vrasville - Arrivée : Pointe de Jardeheu
Distance : 53,58km - Dénivelé : +657m/-668m

"Un phénomène m'inquiète énormément depuis mon départ... Un phénomène qui pourrait mettre à mal la suite de mes aventures...
Semelles podologiques déjà recollées avec de la glue, bâtons momifiés de chatterton, crampons de mes chaussures équivalents à ceux d'une pierre de curling, et cerise sur le gâteau... Chargeur solaire défectueux !
Tout ça est exaspérant. Je n'ai même pas effectué un quart de mon trajet et il va déjà falloir que je passe par la case achat de nouveau matériel sur internet et livraison en point relais. À ce niveau, on ne peut même plus parler d'obsolescence programmée...
Messieurs les fabricants, maintenant il va falloir arrêter de jouer avec les nerfs de ma moustache et ceux de la planète. Quel est votre projet ? Continuer à manufacturer de la camelote pour faire acheter, réacheter et réréacheter ? C'est bien... Les falaises Normandes vous remercient.
Alors oui, elles s'éroderont toujours moins rapidement que vos produits... Mais continuez comme ça et tout ira plus vite !
Il faut écourter... Avant que mon téléphone ne se coupe définitivement, je suis bon pour un rechargement chez l'habitant demain matin."

Jour 17 : "Nucléaire"

Départ : Pointe de Jardeheu - Arrivée : Bréval
Distance : 52,76km - Dénivelé : +1272m/-1244

"En ce nouveau dimanche ensoleillé, j'avais deux objectifs en tête : le beau et les volts. J'allais être servi...
Aujourd'hui le tour de la Hague était donc au programme. La Hague ? La centrale nucléaire ? Avec ce monstre atomique dans les parages ne pas trouver de quoi recharger toutes les batteries (à plat ou quasiment) de mes appareils électroniques serait le niveau zéro de la débrouillardise... Peut-être que les radiations me le permettrait même sans aucun branchement ! Avec en bonus une coloration verte fluo de la moustache !
Les stéréotypes ont parfois la vie dure... La Hague est tout simplement le plus bel endroit que j'ai eu la chance de traverser depuis mon départ de Bray-Dunes. Un subtil mélange de falaises escarpées, de plages de galets et de sable fin, de pâturages verdoyants, de bâtisses rustiques au charme fou... Je m'arrête là : en dire trop ferait sûrement perdre à ce lieu son calme et un peu de sa magie.
Mais alors cette électricité ? Eh bien merci à Maryline et Manu (et leur camping-car de baroudeurs) pour avoir réanimé ma montre en carafe dès le milieu de la matinée.
Et la dernière pépite de la journée ? Les sanitaires rutilants aux prestations très haut de gamme du port de Dielette ! Des sanitaires équipés d'une... prise !!! Sauvé !
Il faudra quand-même que je revois un peu la copie pour la suite... Est-ce normal d'être à ce point dépendant de la technologie pour sa navigation et la planification de ses journées ? N'est pas encore vieux loup de mer qui veut..."

Jour 18 : "Une pause bienvenue"

Départ : Bréval - Arrivée : Barneville-Cateret
Distance : 28,51km - Dénivelé : +332m/-318m

"La réalité m'a rattrapé... Plus rien à manger dans ma coquille, batteries de tous mes appareils électriques frôlant le zéro absolu, linge en état de décomposition olfactive... Le bonhomme aussi commence à être marqué par l'effort.
Même sans montagnes à franchir, marcher quotidiennement plus de 50 kilomètres chargé comme mulet sur des terrains cassants n'est finalement pas si anodin que ça... Surtout avec la chaleur de ces derniers jours. Ma moustache risque d'être en position horizontale un peu plus longtemps que prévu demain matin...
Mais avant de se la couler douce, elle a une grande nouvelle à vous annoncer ! Ce tour du Cotentin touche à sa fin et le Mont Saint-Michel sera atteint dans moins de quatre jours ! Alors pour fêter ça, je souhaitais remercier les sept personnes qui ont déjà participé à la petite cagnotte en ligne. Je rappelle qu'elle permettra d'aider l'association "les Ailes de Matis" à offrir des cadeaux de Noël aux enfants de l'Hôpital Necker de Paris. Sept, c'est le nombre de doigts qu'il reste à un menuisier un peu maladroit en fin de carrière... Autant dire qu'il y a encore du pain sur la planche !"

Chapitre 7 : "En route vers la baie"

Jour 19 : "En panne"

Départ : Barneville-Cateret - Arrivée : Anneville-sur-Mer
Distance : 51,04km - Dénivelé : +149m/-156m

"Décidément cette foutue chaleur me colle aux basques...
Après une matinée pluvieuse, voilà que le ciel se découvre : un soleil de plomb et pas un brin d'air à l'horizon. Tout devient tellement dur sur ces dunes si arides. J'y recherche encore des tâches d'ombre. Des îles désertes au milieu de cette mer de feu... Je n'en trouverai pas.
Vers 20h00, au moment d'en finir enfin avec cette étape harassante, le ciel se décide à nouveau à une dernière petite taquinerie... Il fallait bien que cette journée se termine trempe ! Après la transpiration, une averse tropicale...
Ma moustache maintient le cap mais j'espère que demain sera un jour meilleur. Le plaisir a toujours été mon principal moteur et il commence à être en panne..."

Jour 20 : "Une histoire de crottes"

Départ : Anneville-sur-Mer - Arrivée : Saint-Pair-sur-Mer
Distance : 57,07km - Dénivelé : +291m/-323m

"Il est environ 7h00 et je suis toujours dans ma tente plié en deux par le mal de ventre. Bien sûr, impossible de m'alimenter... Une journée prometteuse démarre !
Bon... Pas d'affolement : les désordres gastriques ça me connait. Il y a une petite ville à une quinzaine de kilomètres et il va falloir s'y rendre avec les moyens du bord. Attention ! Le bambou glycémique se contrefout de cette tempête dans ton estomac. S'il doit te mettre un coup, il le fera...
Quelques heures (et seulement 13 kilomètres...) plus tard, me voilà donc vautré sur un banc devant une boulangerie d'Agon-Coutainville. La boisson Américaine a l'air de passer. Les viennoiseries aussi. ll est déjà midi et mon état léthargique semble se faire la malle : maintenant on avance !
Évidemment mon système digestif n'était pas tout à fait à son aise... Ma moustache a dû s'astreindre à quelques galopades pour des épandages d'urgence dans les broussailles. Mais tout s'est bien remis d'aplomb au fur et à mesure de l'après-midi !
Alors... Miracle de la célèbre boisson Américaine ? J'ai une autre explication... En démontant (tant bien que mal) ma tente ce matin, mon pied gauche avait atterri de quasiment toute son emprise sur une mine fécale bien camouflée. Pas une des miennes, mais il parait que ça porte bonheur quand même..."

Jour 21 : "Et pourtant si loin"

Départ : Saint-Pair-sur-Mer - Arrivée : Baie du Mont Saint-Michel
Distance : 64,26km - Dénivelé : +456m/-459m

"Le Mont Saint-Michel ! Ça y'est !
Il m'aura donc fallu 21 jours pour atteindre ce joyau architectural. Après le GR120 et le 21, c'est le 223 que ma moustache vient d'avaler. Parfois non sans mal...
Place au chapitre le plus long et le plus exaltant de mon voyage : le mythique "Sentier des Douaniers" ! Le chemin de randonnée le plus long de France qui me verra longer le littoral Breton dans ses moindres recoins !
Mais alors que retenir de ces trois premières semaines ? Le coucher de soleil envoûtant sur le Cap Blanc-Nez ? Les majestueuses falaises entre Fécamp et Étretat ? L'émotion des plages du débarquement ? Le fabuleux tour de la Hague ? Un peu toutes ces choses à la fois...
Et puis il y a aussi ce qu'on ne dit pas. Le bout de cette ligne droite, l'autre rive de ce fleuve, le fond de cette baie... Tout ça vos yeux arrivent à le toucher... Mais il arrive que chacun de vos pas semble vous en éloigner. Si près et pourtant si loin : un savant dosage entre frustration et émerveillement. Finalement, c'est peut-être ça la clé du "mérite". Il me reste environ 3000 kilomètres pour y réfléchir...
Maintenant stop à la philosophie et place au gros dodo ! Mon aventure sur le GR34 démarre demain et ma moustache risque d'avoir un sacré boulot !"

Chapitre 8 : "Bienvenue en Bretagne"

Jour 22 : "L'ââârt"

Départ : Baie du Mont Saint-Michel - Arrivée : Anse Duguesclin
Distance : 50,42km - Dénivelé : +530m/-517m

"Aujourd'hui ma moustache était d'humeur chafouine...
Qu'est-ce qui n'allait pas encore ? Mon chargeur solaire toujours plus lunatique ? Ce chien nain qui, sûrement jaloux, a tenté de goûter mon mollet gauche sans avoir l'élémentaire politesse de me prévenir ? Le plantage complet de ma montre dite "technologique" et la perte de TOUTES mes données GPS ? Non : elle a trouvé mieux.
Je viens d'apprendre (tardivement...) que l'Arc de Triomphe avait été empaqueté. Apparemment cet emballage serait de "l'ââârt". Quel est le projet de notre "élite" ? Défaire en un temps record l'héritage commun de plusieurs siècles de génie national ? Quelle sera la prochaine étape ? Un préservatif géant sur le Mont Saint-Michel pour sensibiliser le Vatican à l'usage de la capote ?
Bref... Moi aussi j'ai décidé de me mettre à l'art contemporain. Mon idée ? Braver l'interdit et traverser l'immense baie du Mont Saint-Michel par son chemin le plus direct pour atteindre Cancale. Le résultat ? Un foirage total et quelques frayeurs dans les sables mouvants.
Pourtant je suis sûr que le public averti sera bouleversé par mon œuvre subversive. On peut dire que j'ai mis les pieds dans le plat ! Et jusqu'aux genoux ! C'est ça "l'ââârt"..."

Jour 23 : "Repos"

Départ : Anse Duguesclin - Arrivée : Saint-Malo
Distance : 28,80km - Dénivelé : +467m/-434m

"Depuis quelques jours, la consommation de sucre de ma moustache augmente de manière inquiétante. Liquide, solide, gazeux (elle aspire même les bulles) : tout y passe ! Sans cette précieuse denrée, mon énergie s'amenuise à la vitesse de l'éclair.
En parlant d'éclair, est-ce normal de passer le plus clair de ses journées à réfléchir à sa prochaine halte pâtissière pour déguster un kouign-amann dans l'une des bonnes boulangeries qui sillonnent la côte Bretonne ? Il va bien falloir que tout ça s'arrête...
Pour mon taux de glycémie et mon portefeuille, il n'y a pas d'autres solutions : une demi-journée de repos supplémentaire !
J'espère que cet après-midi à flâner dans la jolie ville portuaire de Saint-Malo et une bonne nuit de sommeil suffiront...
Repos soldat Bibote !
Et avant de rejoindre les bras de Morphée, un point financier... Malgré quelques généreux donateurs supplémentaires, j'ai l'impression que ma cagnotte solidaire en faveur de l'association "les Ailes de Matis" connaît aussi une petite fringale. Une très grosse depuis mon départ en fait... Peut-être que cette double demi-journée de récupération lui fera enfin du bien !"

Jour 24 : "Grasse matinée"

Départ : Saint-Malo - Arrivée : Saint-Jacut-de-la-Mer
Distance : 42,30km - Dénivelé : +573m/-607m

"L'opération récupération se poursuit avec une grasse matinée dominicale qui aura sûrement son petit effet. Voilà plus de trois semaines que je n'avais pas dormi huit heures d'affilée ! Les paupières et les jambes étaient moins lourdes à mon départ de Saint-Malo sur les coups de 11h00. Feignant !
Pas de quoi fanfaronner sur ma forme pour autant... J'ai toujours aussi faim. Les Bretons ont heureusement trouvé un excellent remède à mes pulsions alimentaires : le portefeuille. Le cours de la frite congelée dans les sandwicheries des stations balnéaires huppées de ce début de GR34 est... comment dire... un peu trop salé au goût de ma moustache.
Mon compte en banque avait déjà subi les foudres de la Corse et ne se remettrait pas d'une deuxième saignée en moins de six mois. Il va falloir te serrer la ceinture Bibote !" 

Chapitre 9 : "Hors d'usage"

Jour 25 : "Charlatanisme"

Départ : Saint-Jacut-de-la-Mer - Arrivée : Plévenon
Distance : 51,56km - Dénivelé : +1377m/-1393m

"12h20 : Bibote sort d'une supérette bien achalandée de la jolie ville de Saint-Cast-le-Guildo. Sa poche est pleine, son ventre est vide.
12h21 : Bibote prend place sur un banc juste en face de la supérette bien achalandée de la jolie ville de Saint-Cast-le-Guildo. Sa poche est pleine, son ventre est vide.
12h22 : Bibote, alors que son ventre est toujours vide, glisse délicatement sa main dans sa poche, qui elle est toujours pleine.
12h23 : Tout s'accélère dans le plus grand irrespect des règles élémentaires d'hygiène et de bienséance.
12h38 : Un grondement aérophagé retentit brusquement dans la jolie ville de Saint-Cast-le-Guildo. La poche de Bibote est vide et son ventre est... PLEIN ???
Mais que contenait donc cette poche ??? Une grande bouteille du fameux breuvage Américain, plusieurs barquettes d'entrées préparées par un traiteur intraitable, des sandwichs triangles (rectangles et isocèles), des saucisses Alsaciennes produites quelque part en dehors de l'Alsace, des bananes qui selon toutes vraisemblances dimensionnelles n'étaient pas très "bio" et encore moins "équitables", une boîte de gâteaux de petit déjeuner (une nouveauté particulièrement réussie selon ma moustache) d'une célèbre marque arrivant à faire pénétrer des jouets fabriqués en Chine dans des œufs qui ne le sont sûrement pas, et un gros pot de riz au lait contenant l'équivalent de 5 petits pots de riz au lait (ou de 10 très petits pots de riz au lait).
Que retenir de cet intermède gastronomique ? Encore une fois Bibote a écrit à la troisième personne du singulier. C'est assez inquiétant... Mais il y a pire ! Au vu de son après-midi tonitruant vers le Cap Fréhel, c'est officiel : tout ce qui se rapproche (de près ou de loin) du concept de "nutrition sportive" est du pur charlatanisme."

Jour 26 : "Réincarnation"

Départ : Plévenon - Arrivée : La Grandville
Distance : 51,52km - Dénivelé : +1231m/-1263m

"Quelle beauté ! Il est temps d'activer le mode vision panoramique de ma moustache ! Mon dieu mais quelle beauté !!!
La Bretagne c'est vraiment... "BOUM !!!" C'est le choc. Visuel ? Non : mon pied gauche. Le gros orteil plus précisément. En plein dans cet éperon caillouteux au milieu du sentier. La sanction habituelle de la déconcentration contemplative en terrain technique...
Ôôô mon ongle ! Accroche-toi à la vie ! Accroche-toi à mon orteil comme une huître sur son rocher ! Et si bleu tu devenais ? Tu partirais au paradis ? Le paradis des ongles ??? Tu ne serais pas le premier (et sûrement pas le dernier...) à t'y envoler. Une bonne douzaine de tes frères y coulent déjà des jours heureux. Loin des chaussettes humides, des myco...
J'arrête : c'est écœurant. Et puis mes ongles sont devenus bouddhistes depuis mon séjour en terres Khmères. Cela voudrait dire que... Non... Impossible. Certes, un ongle peut s'incarner. C'est d'ailleurs assez courant pendant les longues randonnées. Mais de là à ce qu'un ongle, aussi bouddhiste qu'il soit, se réincarne..."

Jour 27 : "Changement de pneus"

Départ : La Grandville - Arrivée : Tréveneuc
Distance : 55,48km - Dénivelé : +1216m/-1200m

"Mes fidèles compagnes à lacets ressemblant de plus en plus à des patinettes, il fallait bien finir par les remplacer. La mission du jour était donc simple : trouver de nouveaux chaussons pour une partie des aventures de ma moustache jusqu'à Hendaye. C'est chose faite avec une petite déviation dans une zone commerciale du sud de Saint-Brieux qui m'aura coûté quelques kilomètres de plaisir dans la magnificence périurbaine chère à notre goût prononcé pour la consommation "raisonnée".
Des nouvelles chaussures, Saint-Brieux... Si j'étais un publicitaire de talent, ce qui ne saute pas vraiment aux yeux au vu de l'état comateux de ma cagnotte solidaire (je rappelle le lien au cas où : www.leetchi.com/c/vanille-chocolat), je trouverais forcément un titre accrocheur pour résumer cette journée. "Changement de pneus à Saint-Brieux" ? C'est catastrophique... Oui mais la rime est là. Je n'oserais pas... Oh et puis tant pis : quasiment personne ne me lit.
Mauvais slogan ou pas, mes souliers sont neufs et j'aime la sensation du crampon saillant qui vient marquer de son empreinte le sentier. Il ne me reste plus qu'à espérer qu'aucune équipe de déminage ne tombe sur le colis contenant mes anciennes tatanes : son odeur printanière et le contexte de sécurité intérieure particulièrement tendu pourrait la forcer à intervenir..."

Chapitre 10 : "Détoxification"

Jour 28 : "Les bretagnes Russes"

Départ : Tréveneuc - Arrivée : Lézardrieux
Distance : 56,61km - Dénivelé : +1630m/-1602m

"Ou les montagnes Bretonnes. Ça se dit aussi.
1630 mètres de dénivelé en 56 kilomètres ? Pfff... Parole de montagnard, c'est du GÂ-TEAU !
Du gâteau ? J'avais pourtant reçu plusieurs mises en garde... "Tu verras" qu'ils disaient. Mais bien sûr... "Il y a des portions difficiles". C'est cela oui... "C'est parfois très raide". D'accord... "Et attention aux escaliers". Et donc ? Et donc ils avaient raison...
Du gâteau ? Oui, du gâteau... Le dénivelé c'est comme la pâtisserie : tout est une question de dosage. Même si on ne monte pas sur le toit du monde pendant le GR34, certaines de ses portions, qui consistent à enchaîner une succession de courtes ascensions et descentes très raides, vous empêchent de lisser votre effort et vous cassent littéralement les pattes. Et ces escaliers ? Apparemment on ne connait pas la loi de Blondel en Bretagne... Quel traquenard !
La conclusion de cette étape ? 1630 mètres de dénivelé en 56 kilomètres, ce n'est parfois pas de la tarte..."

Jour 29 : "Artichaut"

Départ : Lézardrieux - Arrivée : Tréguier
Distance : 38,45km - Dénivelé : +574m/-522m

"Déjà six jours écoulés depuis ma dernière pause. C'est un programme allégé qui attendait donc ma moustache en ce vendredi. Une petite escale qui tombe à pic, car il faut bien dire que les Côtes-d'Armor m'en mettent plein les mirettes et les gambettes depuis quelques étapes ! Les pointes, les caps, les falaises, les granites roses, les escaliers, les portions inaccessibles à marée haute... Vivement la suite ! Sous quelques gouttes apparemment...
Si mes calculs sont bons, je viens de terminer le premier tiers de cette aventure pédestre le long du littoral. Regardons un peu l'état de notre petite cagnotte...
210 euros ! Si mes calculs sont encore bons, j'ai parcouru 1426,71 kilomètres depuis mon départ. Ce qui nous donne un gain de... Attention sortez les calculatrices scientifiques... 14,72 centimes par kilomètre ! Une réussite toute... "relative".
Et pourtant je ferai toujours semblant d'y croire : oui les enfants malades de l'Hôpital Necker seront gâtés à Noël grâce à l'association "les Ailes de Matis". Pourquoi ? Car une moustache qui dévore entre 50 et 60 kilomètres par jour en prenant le temps de s'arrêter devant un magnifique artichaut, ça mérite bien au moins 20 centimes du kilomètre ! Mais on va déjà commencer par 15 pour éviter le péché d'orgueil...
Merci d'avance !"

Jour 30 : "Économie d'énergie"

Départ : Tréguier - Arrivée : Ploumanac'H
Distance : 52,01km - Dénivelé : +759m/-776m

"Au-delà de mes batteries corporelles, les journées allégées devaient aussi me permettre de recharger celles de tout mon appareillage électrique. C'était sans compter sur la troisième guerre mondiale. Une guerre mondiale ? Oui : celle de la "surconsommation" que nous mène très sournoisement un ennemi qui ne porte pas son nom. Sa stratégie est très simple : nous pousser encore et toujours à acheter jusqu'à notre totale dépendance et notre transformation finale. Nous étions des êtres humains, nous deviendrons des "consommateurs". Je ne tomberai pas dans ce piège cette fois-ci !
Mon chargeur solaire ne s'est évidemment (et encore moins que d'habitude...) pas rechargé cette nuit. Évidemment puisque c'était la nuit... Pfff... Bien sûr que je l'avais branché à une prise électrique !!! Il est donc déjà 10h00 et je ne suis toujours pas parti de Tréguier. Pourquoi ? Pour attendre que cette mer"BIIIP" de chargeur grappille quelques miettes de batterie !
STOP !!! C'en est trop ! Mon aventure sera-t-elle encore longtemps l'esclave de ce machin infâme ? Cela va maintenant faire un mois que ça dure... Que faire ? Un nouvel achat ? Eh bien non. Tant pis... Plus de musique, plus de notifications, plus de géolocalisation, et peut-être parfois plus de photos. Cette fois je ne tomberai pas dans le panneau. Je n'ai jamais assez de batterie ? Alors je ne la viderai plus. Ma moustache devra se défaire des griffes de son addiction et utilisera dorénavant avec la plus grande des parcimonies son matériel électronique et connecté.
Réussira-t-elle à remporter cette guerre ? Rien n'est moins sûr... Mais quand on traverse la superbe côte de Granit Rose en laissant quasiment toute la journée son téléphone au fond de la poche, on se dit qu'une petite bataille est déjà gagnée. Un grand merci à la Bretagne de m'aider dans ce combat ! Il s'annonce encore long et difficile..."

Chapitre 11 : "Des hauts et des bas"

Jour 31 : "Le vieil homme de la plage de Trégastel"

Départ : Ploumanac'h - Arrivée : Lannion
Distance : 44,47km - Dénivelé : +592m/-586m

"Tout paraît tellement dur ce matin. Ces mains qui peinent à s'agripper à leur bâton. Ces guiboles soudain si molles. Ce sac semblant peser le double de son poids. Je ne mets pas un pied devant l'autre. Et pourtant mon allure reste correcte... Tiens, un banc. Mes fesses y seront bien à leur aise.
Je repense à ce vieil homme sur la plage de Trégastel. Paisiblement posé sur son seau entre ses deux cannes à pêche, il attend. Au loin un petit voilier fend l'azur avec la délicatesse de la légère brise qui l'entraîne... Mes yeux se ferment... Ils mettront presque une heure à se rouvrir.
Ce dimanche sera long... De banc en banc, de sieste en sieste. Que se passe-t-il Bibote ? La fatigue ? Peut-être. La lassitude ? Fort probable.
Et si tu restais là, étendu sur le sable ? Si on faisait trempette ? Ensuite nous irions nous dégourdir le palais en savourant quelques douceurs locales. Il faut "profiter". Non : aujourd'hui nous avancerons moins mais nous avancerons.
Pourquoi ? Pourquoi encore et toujours cette quête des kilomètres ?
Dans quelques semaines, le vieil homme de la plage de Trégastel ne sera plus sur son seau. Il sera sûrement sur son canapé, profitant de la chaleur réconfortante d'un poêle ou d'une cheminée. Son matériel de pêche, soigneusement entreposé dans son garage, attendra aussi bien au chaud le retour du printemps. Et moi, je serai où ? Quelque part. Sur une plage, une falaise, une dune... J'avancerai. Il y aura juste une petite différence avec ces derniers jours... Ceux qui se sont déjà frottés aux tempêtes automnales de la façade Atlantique la connaissent..."

Jour 32 : "Le cadeau"

Départ : Lannion - Arrivée : Primel-Trégastel
Distance : 55,05km - Dénivelé : +1527m/-1610m

"Avoir le "sardinage" léger peut poser quelques problèmes avec sa tente... Pourquoi ne mettre que deux sardines sur huit ? Une raison technique peut-être ? Une astuce de professionnel ? Une nouvelle méthode révolutionnaire ? Non : juste de la flemme. Mais quand votre abri de fortune (qui justement en a coûté une...) commence à avoir la bougeotte à 5h00 du matin, c'est une autre histoire...
Il y a eu du vent cette nuit ! Beaucoup de vent ! Bien joué Monsieur Bibote d'avoir consulté les prévisions météorologiques ! Un véritable expert !
Ma tente a donc profité d'un instant de mégarde (et surtout d'une énorme bourrasque) pour s'offrir un baptême de l'air d'une bonne dizaine de mètres. Pour atterrir où ? À seulement quelques centimètres de mon repas de la veille. Repas qui avait trouvé place à cet endroit précis suite à un voyage de plusieurs heures dans mon système digestif...
Un accident terrible a été évité de justesse ! Ouf ! Il faut dire qu'il aurait sacrément fait tâche...
Pour me féliciter de ce bon travail, le Finistère, dans lequel ma moustache vient tout juste de faire son entrée, a mis les petits plats dans les grands : un final d'étape de gala sur des falaises vertigineuses ! Raide, technique, sauvage : le plaisir à l'état pur. En ajoutant à tous ces ingrédients les tons or et acier d'un soleil s'immergeant timidement dans une Manche bien agitée, on peut dire que cette soirée a viré au grandiose.
Après une journée dominicale très compliquée, voilà un joli cadeau qui me regonfle à bloc pour la suite des hostilités !"

Jour 33 : "Page noire"

Départ : Primel-Trégastel - Arrivée : Saint-Pol-de-Léon
Distance : 54,90km - Dénivelé : +853m/-827m

"On va faire court en ce mardi pluvieux. Non pas que l'inspiration ne soit pas là : tous les mots sont dans ma tête. Mais depuis plusieurs jours, ma moustache souffre du syndrome de la "page noire". À peine se met-elle à rédiger le petit résumé de sa journée, que ses paupières vacillent et... Elle s'endort profondément.
Certains diront que je suis une sacrée "feignasse". "Nous on travaille ! Il n'a que ça à faire de sa journée ! Sur le dos du contribuable en plus ! Assisté !"
C'est sûrement vrai. Le quotidien du profiteur est pourtant très chargé : un sac de 20 de kilos, 50 à 60 kilomètres par jour (soit 10 à 13 heures de marche rapide), la prise des photos, le tri et le post-traitement des clichés, la rédaction des textes, la gestion de la logistique et de l'alimentation, l'installation des bivou...
Zzz... Zzz..."

Chapitre 12 : "Le calme avant la tempête"

Jour 34 : "Poncho"

Départ : Saint-Pol-de-Léon - Arrivée : Goulven
Distance : 63,66km - Dénivelé : +447m/-492m

"À force de parler de mon petit nombril, j'en oublierais presque ce qui gravite autour. La minéralité, tantôt saillante tantôt ronde, balayée par une houle impuissante, les criques et leurs plages de sable blanc immaculé, la végétation côtière dansant sur les rythmes entraînants de la mer de vent, les jolies bâtisses épousant parfaitement les amas de roches millénaires... Et tout le reste ! Définitivement, le Finistère, j'adhère ! Encore un slogan d'une nullité abyssale... C'est dramatique.
Mais, car il y a toujours un mais avec ma moustache, j'ai aussi pu profiter hier soir du revers humide de la médaille... Un petit crachin puis trois heures d'une pluie soutenue qui aura eu raison de ma tenue "top moumoute" (la fameuse). Je ne lui en veux pas : nous avons vécu ensemble moultes épopées chevaleresques ces derniers mois et je savais bien que son pouvoir d'imperméabilisation ne serait pas éternel... Depuis mon départ de Bray-Dunes, elle avait toutefois eu la bonne idée de faire cesser les averses à chaque fois que je me décidais (toujours trop tardivement...) à l'enfiler.
Il me reste encore de nombreuses semaines le long de la côte et la probabilité que je prenne l'eau plusieurs jours consécutifs est très élevée. Pour éviter de me retrouver trempé jusqu'aux os, il va donc falloir employer la manière forte. Un poncho ? Je déteste les ponchos... Tant pis ! La pluie c'est comme la politique : parfois il faut savoir renier ses principes pour avoir une place au chaud.
Je n'ai plus qu'à avancer à fond la forme jusqu'à Brest et me procurer la bête ! Je n'y serai malheureusement pas avant plusieurs jours. D'ici là... Je ne veux même pas y penser..."

Jour 35 : "Flexibilité"

Départ : Goulven - Arrivée : Plouguerneau
Distance : 48,45km - Dénivelé : +505m/-461m

"S'il est un terme à la mode en ce moment, c'est bien celui de la "flexibilité". La flexibilité, ou corvéabilité à la sauce startup, se résume très simplement : faire plus, plus vite, plus longtemps, et avec moins. Eh oui ! Il faut bien la faire tourner la machine !
Depuis plusieurs jours les signes annonciateurs ne manquaient pas... Ma moustache va bien se prendre une tempête sur le museau pour fêter le début du mois d'octobre. Ça y'est, la saison est lancée !
Le pire est attendu pour samedi et mardi mais le vent a déjà commencé à grimper sérieusement sur l'échelle de Beaufort au cours de la journée. Sans parler du diamètre des gouttes...
Ma décision : flexibilité. L'après-midi de pause prévu est reporté. Une pause annulée ? Voilà qui devrait plaire à mon patron ! Euh... Mais je n'ai pas de patron en fait... Bon, tant pis ! Il sera content quand même !
En faire plus aujourd'hui pour en faire sans doute très peu pendant quelques jours. L'objectif : avancer avec prudence et s'arrêter dès que nécessaire quelle que soit la distance parcourue. Le plus important étant bien sûr de trouver des endroits sécurisés (et si possible étanches...) pour y installer son bivouac.
La flexibilité pour en faire moins ? Une interprétation très Bibotesque du merveilleux "monde d'après" si cher à certains."

Jour 36 : "L'aber à boire"

Départ : Plouguerneau - Arrivée : Lanildut
Distance : 71,65km - Dénivelé : +963m/-946m

"Aaah les abers... Une spécialité toute Finistérienne... De longs bras de mer qui s'infiltrent au plus profond des terres par des chemins qui n'ont de droit que les ponts qui les traversent.
Le problème de ces bras, c'est qu'ils ont aussi des mains. Des mains qui ont également des doigts. Des doigts qui ont en plus des... Bref : on ne s'en sort pas !
Contourner un aber est certes très bucolique, mais parfois tellement long... Vous y avez donc (et un peu trop) le temps à la réflexion... Et si je m'arrêtais ce soir à Portsall ? Il me faudrait faire près de 30 kilomètres sous la flotte demain. Il serait peut-être intéressant que je continue un peu... Disons vers... Porspoder. Plus que 25 kilomètres. En me levant vers 4h00 du matin, je pourrai éviter le gros grain.
Ce n'est pas bientôt fini ces calculs d'apothicaire sans ambition ??? J'ai des jambes ou pas ??? J'en ai ??? Oui ??? Alors direction mon abri de villégiature à Brélès dès ce soir !!!
Enfin du grand Bibote !!! Presque 80 kilomètres !!! Ça c'est une moustache qui a du panache !!!
Du panache oui, de la bêtise non. Il n'y a pas d'épicerie dans ce charmant village Breton. Un arrêt à Lanildut pour un petit point ravitaillement le lendemain serait donc beaucoup plus judicieux. Il me resterait ainsi moins de deux heures de marche avant un bon après-midi de repos bien au chaud à Brélès !
Voilà qui est fait ! Ce n'était vraiment pas la mer à boire cette tempête..."

Chapitre 13 : "Plein ouest"

Jour 37 : "Tops et flops"

Départ : Lanildut - Arrivée : Brélès
Distance : 5,36km (et heureusement !) - Dénivelé : +128m/-65m

"À la veille de quitter définitivement le littoral de la Manche, pourquoi ne pas conclure ce nouveau chapitre de mon aventure par une rubrique très légère et "putaclic" : les tops et le flops !
Les tops :
- Mon appareil photo de professionnel : un concentré exceptionnel de dizaines d'années de savoir-faire et d'ingénierie nippone !
- Mes mollets : aux sommets de l'évolution bipèdique, je suis maintenant sûr et certain qu'ils ne me trahiront pas dans les semaines à venir !
- Ma moustache : le soleil radieux et les effluves iodées la colorent à merveille d'une teinte vénitienne du meilleur effet !
- Les paysages somptueux : les images parlent d'elles-mêmes !
- Les sacs à crottes de la marque Toutou Net' : nous y reviendrons plus tard...
Les flops :
- Mon chargeur solaire : une véritable chinoiserie que l'omniscience numérique du PCC m'empêchera de dénigrer comme je l'aurais souhaité...
- Le bitume : c'est noir, c'est moche, ça pue, et ça fait mal à mes pattounes !
- Les contournements infinis des bras de mer et des cours d'eau : j'aurais dû penser à mettre dans mon sac un pont gonflable...
- Les étrons canins : ils sont devenus une véritable psychose pour mes semelles et les maîtres devraient avoir honte de ne pas se servir des sacs hautement qualitatifs de la marque Toutou Net' pour ramasser toutes ces immondices !
- La cagnotte : elle mérite son paragraphe séparé...
La cagnotte en ligne en faveur de l'association "les Ailes de Matis" : que dire ?
Déjà un grand merci aux trois généreux participants de ces derniers jours. À l'heure où je rédige ce message, ils sont maintenant douze donateurs...
Douze c'est le nombre d'œufs qu'il y a dans une boîte de douze œufs. Pour me préparer une belle omelette après une grosse journée de marche, c'est suffisant. Pour offrir des beaux cadeaux de Noël à des enfants hospitalisés, par contre...
Merci d'avance pour votre soutien et vos partages !"

Jour 38 : "À l'ouest"

Départ : Brélès - Arrivée : Brest
Distance : 61,81km - Dénivelé : +1547m/-1608m

"Ça n'intéressera quasiment personne, ne passera pas dans le journal, n'aura pas des milliers de pouces en l'air sur les réseaux sociaux, n'augmentera pas le produit intérieur brut de la nation, et ne marquera pas l'histoire de l'humanité... Mais je peux l'affirmer haut et fort : aujourd'hui ma moustache était extrêmement à l'ouest !
Ça y'est ! La Pointe de Corsen est enfin atteinte ! J'aurai donc rejoint le point le plus à l'ouest de la France continentale en partant de celui le plus au nord ! Le tout avec le seul recours de jambes parfaitement bronzées du sommet de mes chaussettes à la base de mon short !
Ma moustache peut bomber le torse et tourner fièrement son regard vers les lointaines contrées du sud : après celui de la mer du Nord, l'intégralité du littoral hexagonal de la Manche a été parcourue. Place donc à l'océan Atlantique !
Et pour fêter ça, quoi de mieux qu'une petite invitation chez une famille Brestoise ? Un grand merci à Erwan, Claude et Xavier !" 

Jour 39 : "Laborieux"

Départ : Brest - Arrivée : Le Faou
Distance : 47,54km - Dénivelé : +798m/-855m

"Je dois probablement devenir accro... Accro à ces falaises, ces plages, ces couchers de soleil. En ce lundi, rien de tout ça : seulement une étape de transition à travers la campagne Bretonne pour rejoindre la presqu'île du Crozon. Des champs, des forêts, des villages, des abbayes, mais pas de mer en vue. Le moteur tombe à nouveau en panne...
J'avance péniblement et rien ne trouve grâce à l'objectif de mon appareil photo. Rien ne serait assez beau aujourd'hui ? Pourquoi ? Et si le problème venait de moi ?
La pluie d'un début de soirée très incertain vient finalement me libérer. J'aurai péniblement et peu avancé... Blotti dans mon duvet, je n'espère plus qu'une chose : que la beauté de la journée de demain vaudra le labeur de sa veille.
Le vent se lève, les gouttes s'épaississent. C'est mal parti..."

Chapitre 14 : "Presqu'île"

Jour 40 : "Ingénierie" 

Départ : Le Jaou - Arrivée : Roscanvel
Distance : 51,72km - Dénivelé : +1160m/-1197m


"Je me disais bien que ce diplôme allait un jour me servir à quelque chose... 
Pendant que certains de mes anciens collègues de promotion conçoivent des ponts et des tours de plusieurs centaines de mètres, un défi de bâtisseur beaucoup plus extrême vient de se présenter à moi : ma tente. Il fallait s'y attendre : elle aussi m'a lâché. Une malédiction ? Sûrement... 
Pourquoi la section du tubage en carbone de son ossature est identique en tout point alors que les contraintes mécaniques s'y appliquant varient énormément ? Hein ?? Pourquoi ??? Cette section de tube serait donc surdimensionnée ? Bizarre à une époque où la rentabilité passe avant toute logique de durabilité... Évidemment que non : rien n'était surdimensionné ! La résistance des matériaux et le calcul de structure n'étaient pas les tasses de thé de ma moustache, mais il n'y avait pas besoin d'être major de promotion pour comprendre que si une partie de cette ossature avait dû se rompre, ça aurait été ici ! Au sommet de cette voûte ! 
Et voilà... Ma tente vient de se transformer en tipi... Qu'est-ce que je vais faire maintenant ??? Dormir assis ??? Pas question ! J'ai une meilleure solution : déterrer du fin fond de ma mémoire tout mon savoir d'ancien gradé de la construction. 
Eureka !!! Un renforcement au ruban adhésif sur la partie sectionnée et un ancrage de sardines extrêmement tendu et vigoureux dans un sol géologiquement apte. Mouais... En gros un énorme boudin de scotch et des sardines bien plantées. Pas besoin d'étaler sa science pour un résultat si moyen... 
En tout cas, une chose est sûre : ma tente est depuis hier dans un état qui rendra l'installation de mes bivouacs beaucoup plus casse-couil... Réfléchie pardon ! Réfléchie..."

Jour 41 : "Plénitude"

Départ : Roscanvel - Arrivée : Crozon
Distance : 62,92km - Dénivelé : +1440m/-1430m


"La nuit va bientôt tomber alors que le petit crachin de cette fin d'après-midi se transforme en pluie. Je suis trempé, mon ventre est vide. Déjà quasiment 50 kilomètres au compteur : il faudrait s'arrêter là... Et pourtant, je ne m'arrêterai pas. Je ne mangerai pas. Je ne me couvrirai pas. Plus rien n'a d'importance : attiré par le cadre mystique de ces majestueuses falaises embrumées, je sens qu'il arrive...
"Il" ? Ça y'est... Mon souffle se lisse, mes muscles se relâchent, mon cerveau est en apnée. Je ne pense plus : je marche. En apesanteur. Le temps s'arrête : je suis là, seul, bercé par le son de cette houle. Suspendu au vide, je n'ai plus faim, je ne suis plus mouillé. "Il" ? L'instant de plénitude.
Il fait maintenant nuit noire. Il est temps de rouvrir les yeux... Frontale sur le front, je suis trempé, mon ventre est vide.
Il est 22h00 quand j'arrive au Crozon. La pluie redouble d'intensité et je ne sais toujours pas où dormir. Mon téléphone est déchargé et je viens de perdre le fil du balisage. Après plus d'une heure à tourner en rond, je trouve enfin ce stade. Sa tribune sera mon abri pour la nuit.
J'ai cédé aux sirènes du plaisir ce soir. Il aurait fallu s'arrêter au Cap de la Chèvre. Demain matin ma gueule de bois sera... mouillée. Aussi mouillée que la tenue que j'enfilerai..."

Jour 42 : "Infection"

Départ : Crozon - Arrivée : Douarnenez
Distance : 49,78km - Dénivelé : +1043m/-1100m

"Aux dernières nouvelles, le conseil scientifique serait en train de se pencher sur le cas très préoccupant d'un randonneur. Vacciné ? Non vacciné ? Là n'est pas la question... Son problème serait plutôt d'ordre olfactif.
Il est clair que si je continue sur cette lancée, je risque probablement d'être placé en quarantaine. Et pourquoi ne pas imposer le port d'un double masque dans un rayon de 500 mètres autour de ma moustache ? Quelle idée sensationnelle ! Allez ! Et d'un triple tant qu'à faire !
Depuis le début de cette aventure, je n'avais pas encore atteint un tel niveau de crasse. Homme, textile, matériel : c'est une véritable infection !
Bibote, les pluies de ces derniers jours et quelques portions boueuses et transpirantes ont cette fois pris le dessus sur ton service sanitaire minimum. J'ai même du mal à supporter ta propre odeur (qui est aussi la mienne puisque c'est moi qui te parle)... C'est dire le niveau de gravité de la situation !
Il n'y a malheureusement plus qu'une seule solution... Le vaccin au savon de Marseille ARN ??? Les laboratoires l'ont déjà préparé ??? Avec des injections tous les quatre matins ??? Nous n'irons pas jusque-là : un petit traitement hygiénique suffira.
Escale dans le coquet port de Douarnenez pour une bonne douche et un passage à la laverie. Et autant joindre l'utile à l'agréable avec une matinée dans les bras de Morphée. Le cap de la mi-parcours vient d'être franchi : repartir sur de bonnes bases ne fera pas mal..."

Chapitre 15 : "Le rêve à ses pieds"

Jour 43 : "L'Émirati"

Départ : Douarnenez - Arrivée : Beuzec-Cap-Sizun
Distance : 26,59km - Dénivelé : +1022m/-950m

"En voilà une demi-journée qui ne fait pas les choses à moitié ! Du dénivelé, des sections techniques, des paysages à couper le souffle, une météo de rêve... J'ai l'impression de vivre depuis quelques jours l'apothéose de mon odyssée. J'espère me tromper, mais je pense qu'il sera bien difficile de surclasser tous ces instants magiques le long de la mer d'Iroise... Alors... Savourons.
"Drrr"
Tiens, mon téléphone qui vibre...
Un numéro inconnu... Et si c'était Bernard Arnault ou François Pinault qui avaient eu vent de ma cagnotte ?
"Allô.
- Je suis bien en ligne avec Monsieur d'Haricot ?
(Un accent oriental !!! J'en étais sûr ! Un Émirati ! Ça sent bon les pétrodollars pour l'association "les Ailes de Matis" ! Il va falloir faire bonne impression !)
- Oui, c'est bien lui. D'Haricot avec un T comme dans "mousTache".
(Super cette idée du T ! Très subliminal ! Il y a aussi deux T dans "cagnotte" et j'ai vu dans un reportage très sérieux que les orientaux adoraient le thé. Il va accrocher c'est sûr !)
- C'est votre conseiller Red by SFR. Vous êtes client chez nous depuis maintenant..."
Aaaaaah !!! Encore raté !!! C'est désespérant...
Heureusement que trois généreux donateurs supplémentaires sont venus garnir ma petite caisse participative ! Un très grand merci à eux !
Pour les autres, un minuscule merci d'avance suffira..."

Jour 44 : "Celle de mes rêves"

Départ : Beuzec-Cap-Sizun - Arrivée : Menez Dregan
Distance : 54,38km - Dénivelé : +1223m/-1277m


"J'avance plein ouest tandis que les premières lueurs du jour se faufilent à travers les fougères cuivrées de ce début d'automne. Autour de moi tout se réveille et semble saluer mon escapade matinale. Les mouettes planent, les corneilles virevoltent, le souffle de la houle qui s'engouffre dans les cavités des falaises est élégamment rythmé par le claquement des galets chariés dans l'écume.
Le soleil grimpe peu à peu. Je l'accompagne. Il mettra plusieurs heures avant de redescendre. Moi, seulement quelques mètres... Descendre pour mieux remonter et s'émerveiller encore. Et encore... Après chaque ascension, derrière chaque pointe, des décors enchanteurs. La voilà ma Bretagne ! Du moins celle de mes rêves...
Je me souviendrai longtemps de ces ultimes kilomètres sur le Cap Sizun. Car ça y'est : la Pointe du Raz est franchie. Un nouveau monde s'ouvre à moi... En direction de l'est puis du sud.
Le rêve est terminé... Mais il y a des rêves qu'on n'oublie pas."

Jour 45 : "Jean-Luc"

Départ : Menez Dregan - Arrivée : Pont-l'Abbé
Distance : 61,07km - Dénivelé : +218m/-246m

"Une cabane ouverte au bord de l'eau ! En voilà une bien belle offrande ! Compte tenu de l'état de ma tente, l'économie d'un montage ne fera pas de mal... C'est décidé : je dormirai ici !
C'était malheureusement trop beau pour être vrai... Cette cabane était déjà occupée... Et j'allais vite me rendre compte que ma nuit serait des plus agitées !
"Hé toi ! Le moustachu emmitouflé dans ton duvet !
- Encore un moustique qui parle ???
- Évidemment que je parle... Je sais aussi lire et écrire ! Tu commets d'ailleurs pas mal de largesses orthographiques depuis quelques jours et il va vite falloir rectifier le tir.
- C'est que... Je suis crevé moi !
- Et moi, tu sais qui je suis ??? Je suis la République !!! La République, c'est moi !!!
- Quoi ???
- Non, ça c'était un autre... Moi c'est Jean-Luc, secrétaire général du FMIPB.
- Le FMIPB ???
- Le Front des Moustiques Insoumis du Pays Bigouden. Tu es chez nous ici ! Et chez nous, il y a des règles ! À partir de 50 pourcents, on prend tout !
- Me prendre quoi ???
- Ton sang idiot ! Prélèvement directement à la source !
- Et qu'allez-vous en faire ???
- Nous allons le "collectiviser".
- Je ne comprends plus rien...
- Il n'y a rien à comprendre le moustachu ! ¡¡¡ VIVA LA REVOLUCIÓN !!!
- Mais quel cauchemar ce Jean-Luc ! Sa revolución, elle me donne des boutóns..."
À quelques détails près, tout s'est réellement passé ainsi... Attaqué toute la nuit par un escadron de moustiques révolutionnaires avides de mes globules, mon sommeil fut de très courte durée. Et cette journée à parcourir les interminables plages Bigoudènes n'en parut que plus longue..." 

Chapitre 16 : "Le contrecoup"

Jour 46 : "Tricheur"

Départ : Pont-l'Abbé - Arrivée : Concarneau
Distance : 51,75km - Dénivelé : +468m/-464m

"Il m'est encore assez difficile de la prévoir et d'en expliquer ses causes réelles. Chaque semaine depuis mon départ, cette fameuse journée sans ressort est venue me sauter dans les jambes et dans la tête.
Mon objectif en ce lundi était de rejoindre la ville de Concarneau. Une soixantaine de kilomètres... Pas gagné...
Alors pour la première fois, j'ai décidé de retirer chaussettes et chaussures. Pour m'arrêter ? Non : pour m'adapter.
La marée est basse et les coefficients importants découvrent la plage en faisant apparaître ses trésors. Il y a cette petite embouchure face à moi. À deux unités métriques près, sa largeur doit être équivalente à sa profondeur. La dizaine de pas pour la franchir me permettrait d'en économiser des milliers... Pour la première fois, je ne suivrai pas le balisage : pas de contournement, une traversée.
J'ai donc triché. J'ai triché, mais je suis arrivé à Concarneau. J'ai triché, mais je n'ai aucun regret.
Et demain, faudra-t-il que je triche à nouveau ? J'espère bien que non. Mais si la marée est basse et que les coefficients importants découvrent la plage en faisant apparaître ses trésors... Si une petite embouchure se présente face à moi... Si sa largeur est équivalente à sa profondeur à deux unités métriques près... Alors oui : chaussures et chaussettes à la main, je... "m'adapterai"."

Jour 47 : "Le plus important"

Départ : Concarneau - Arrivée : Pont-Aven
Distance : 53,92km - Dénivelé : +711m/-695m

"Les jours se suivent et se ressemblent depuis... deux jours. Donc depuis... hier. L'utilité de cette expression est du coup assez limitée. Limitée, comme l'est ma capacité à avancer dans de bonnes conditions malgré une météo idyllique.
Lorsqu'on inspire en bâillant et qu'on expire en soupirant, que peut-on en conclure sur notre état de fatigue physique et mentale ? Pas grand-chose de positif...
Mais à 14h00, ma moustache a enfin décidé de prendre les choses en main pour éviter que je ne finisse cette étape en rampant. Que dis-je ! Les choses en bouche ! Car ma dernière cartouche finira dans mon estomac : un repas de champion.
300 grammes de pâtes, une plaquette de chocolat noir, et le plus important. Sans ce "plus important" je ne serais rien ! Ce "plus important" me fait à chaque fois tellement de bien ! Avec lui, plus rien ne m'arrête ! À part peut-être des toilettes publiques... La chicorée ! Voilà ce qu'il est ! Mais pas n'importe comment : avec "la manière"... Diluée dans l'eau de cuisson de mes pâtes et en y ajoutant une petite noisette de miel !
C'est ça la grande vie d'un épicurien ! Quel bon vivant ce Bibote ! Car oui, je suis bel et bien arrivé sain et sauf à destination. Mais vivement la pause... Qui sera peut-être un peu plus longue que prévue si demain rien ne va mieux..."

Jour 48 : "La limite"

Départ : Pont-Aven - Arrivée : Le Pouldu
Distance : 49,45km - Dénivelé : +777m/-757m

"Trop d'erreurs depuis quelques jours... Alimentation, hydratation, logistique, parcours... La multiplication de ces bras de mer à contourner (qui, il faut bien l'avouer, deviennent une véritable torture psychologique) ne m'aide pas à planifier correctement mon avancée et je commence à en subir les conséquences. Avec la fatigue, mon irritabilité va en grandissant et les premières douleurs apparaissent.
Je suis finalement "aidé" par ce matériel qui ne m'aide pas : ma lampe frontale tombe elle aussi en panne et me voilà contraint de stopper mon étape. Une heure de récupération en plus... C'est bon à prendre avant le programme chargé de demain qui devrait me conduire à Lorient. Si tout va bien...
La limite est bientôt atteinte et ma moustache s'est enfin décidée : journée de repos complet vendredi avant d'attaquer le labyrinthe Morbihannais."

Chapitre 17 : "Il était temps"

Jour 49 : "La nouvelle vie"

Départ : Le Pouldu - Arrivée : Lorient
Distance : 35,50km - Dénivelé : +373m/-367m

"C'est la fin... Aurevoir le Finistère et tes mille visages !
Notre histoire d'amour se termine donc au dessus de la rivière de la Laïta. Un pont... Un de plus... Ce coup de foudre dès les premiers instants, ces journées de passion, et cette séparation très... douloureuse. J'aurai finalement autant béni tes falaises que vomi tes abers !
Des hauts, des bas, et maintenant un débat. Il va falloir se décider ! Un jour ma moustache voudra sûrement refaire sa vie en quittant ce monde de fous... Mais avec qui ? Une cabane de berger perchée dans une estive Ariégeoise ? Un petit bateau de pêche perdu sur la mer d'Iroise ? Ou peut-être ailleurs...
C'est tellement compliqué d'avoir le choix quand on a trop d'imagination !"

Jour 50 : "L'apprentissage"

Départ : Lorient - Arrivée : Lorient
Distance : 0,00km - Dénivelé : +0m/-0m

"J'aurai donc attendu le cinquantième jour de mon pèlerinage pour prendre (réellement) du repos.
La régénération sera loin d'être uniquement physique... Certes, une grosse inflammation sur le tibia droit nécessitait un petit arrêt (qui je l'espère sera suffisant...). Mais cette pause devenait surtout impérative pour éviter de tomber dans le piège du "trop". Trop de marche, trop de kilomètres, trop d'heures, trop de poids... L'écœurement me guette depuis ce passage mémorable de la pointe du Raz.
Le plus dur reste à faire et j'en suis bien conscient... Des semaines entre monotonie, effets d'optiques, kilomètres de surplace, météo dégradée... Pourtant, je suis excité. Je laisse derrière moi ma zone de confort mentale et m'engage dans l'inconnu.
La lassitude est grande, le corps commence à être marqué, et le matériel semble chaque jour plus fragile. Cette nouvelle quête sera précaire en de nombreux points mais me conduira vers le Graal : celui de l'accomplissement par l'apprentissage. À la dure... Une gravure dans la chair et l'esprit qui rendra ma moustache meilleure demain qu'elle ne l'est aujourd'hui."

PS : La somme récoltée en faveur de l'association "les Ailes de Matis" progresse elle aussi ! Merci aux derniers donateurs et rendez-vous sur : https://www.leetchi.com/c/vanille-chocolat

Jour 51 : "Supportabilité"

Départ : Lorient - Arrivée : Saint-Pierre-Quiberon
Distance : 55,20km - Dénivelé : +381m/-354m


"40 kilomètres... C'est la distance qu'il m'aura fallu parcourir avant d'apercevoir l'océan suite à mon départ de Lorient. 40 kilomètres entre villes, banlieues, zones artisanales, villages, champs, lignes droites, ponts, bitume...
Ces 40 kilomètres, je ne les aurais pas digérés sans ma coupure de la veille. Qu'elles sont usantes mentalement ces étapes de transition ! Toute la journée vous attendez leur dénouement. Jusqu'à la délivrance ou... La crise de nerfs. Celle d'aujourd'hui s'est conclue sur une énième ligne droite : l'isthme de Penthièvre. Puis... Enfin ! Une plage, l'eau, l'écume, la dune, les mouettes... Je suis sauvé ! La presqu'île de Quiberon est atteinte. Il ne me reste plus qu'à terminer de la contourner demain matin et revenir sur mes pas l'instant de quelques kilomètres. Avant peut-être des villes, des banlieues, des zones artisanales, des villages, des champs, des lignes droites, des ponts, du bitume...
Dorénavant, c'est décidé : je supporterai tout ça. Pourquoi ? Car je n'en ai plus le choix."

Chapitre 18 : "La blessure"

Jour 52 : "Génération B"

Départ : Saint-Pierre-Quiberon - Arrivée : Le Bono
Distance : 58,92km - Dénivelé : +356m/-369m

"Aujourd'hui je vais les poser sur la table ! Regardez-moi ça... De véritables armes de guerre ! Des siècles de sélection génétique gallo-germanique pour atteindre ce résultat quasi parfait !
Comment est-ce que je peux continuer à me trouver de fausses excuses avec des jambes pareilles ??? Stop à la repentance et au déclin ! Maintenant, j'avance !
La fin de ma campagne Bretonne va être exceptionnelle ! Je me vois déjà parader dans les rues de Saint-Nazaire comme notre grand Général sur les Champs-Elysées en août 44. Une arrivée historique !
La France a inventé Jeanne d'Arc, Molière, Napoléon... Elle a aussi inventé ma moustache et en inventera d'autres ! Car non ! Mes gambettes n'ont pas dit leur dernier mot !
Si avec un discours de cette teneur je ne termine pas le GR34 avant dimanche prochain, j'arrête la politique..."

Jour 53 : "Inquiétude"

Départ : Le Bono - Arrivée : Noyalo
Distance : 51,22km - Dénivelé : +450m/-479m

"Deux malheureux clichés aujourd'hui... Des conditions météorologiques très compliquées et voilà mon appareil qui a terminé sa journée dans une poche étanche bien à l'abri de mon sac. Lui-même bien à l'abri de sa couverture de pluie. Elle-même bien à l'abri de mon poncho (dont l'indice de "moumoutage" s'avère très satisfaisant).
L'épreuve psychologique Morbihannaise est à la hauteur de ce que j'attendais... Un dédale de criques, de bras de mer, de presqu'îles... Je préfère d'ailleurs faire l'impasse sur quelques-unes de ces dernières pour éviter la camisole de force.
Le vent, la pluie, le parcours sinueux... Tout ceci pourrait prêter à sourire si un très important œdème n'était pas venu s'inviter à la fête. À la fête et sur ma jambe droite...
Je croyais avoir dompté la douleur sur ce satané tibia à grands coups de massages indélicats et de pommade anti-inflammatoire. Hier, tout semblait réglé... Aujourd'hui, je suis très inquiet. Il m'a été quasiment impossible de marcher sur la fin de cette étape. Et si cette inflammation était en réalité une fracture de fatigue ?
Je réduirai considérablement le volume kilométrique demain et on verra bien comment la jambe réagit. S'il n'y a aucune amélioration, il faudra prendre d'autres dispositions..."

Jour 54 : "Sur des œufs"

Départ : Noyalo - Arrivée : Arzon
Distance : 35,03km - Dénivelé : +239m/-211m

"- Deux heures de sommeil supplémentaires : OK.
- Massage drainant de moustachu en VAE de kinésithérapie : OK.
- Chaussette Rigth descendue sous les malléoles : OK.
- Desserrage maximal des lacets de la chaussure droite : OK.
Bon beh... Les jeux sont faits ! La partie inférieure de ma jambe est toujours très enflée, mais il va bien falloir avancer. C'est le flanc nord et tortueux de la bucolique presqu'île d'Arzon qui est programme de ce mardi. L'objectif est simple : faire en sorte d'apprivoiser cette patte folle sur une journée courte. En fonction de sa réaction, je déciderai de mon point de chute au fil des kilomètres.
Pas d'emballement Bibote ! À chaque faux mouvement ou petite glissade, c'est un véritable coup de poignard qui vient se loger dans mon tibia. Les échassiers déambulant avec finesse et élégance dans les marais sillonnant mon parcours sont là pour me le rappeler : si je veux que mon aventure ait une issue positive, il va falloir marcher sur des œufs pendant quelques jours.
Sûrement lassés de me voir dans cet état, les dieux de la météo ont finalement décidé de me donner un sacré coup de pouce : une tempête doit s'abattre dès cette nuit sur le Morbihan. Ses rafales dépasseront les 100km/h. Ça ne me laisse plus vraiment le choix de faire une bêtise... Une nouvelle journée de repos complet demain ! Un repos forcé mais tellement bienvenu."

Chapitre 19 : "Mieux repartir"

Jour 55 : "Tempête dans un verre d'eau"

Départ : Arzon - Arrivée : Arzon
Distance : 0,00km - Dénivelé : +0m/-0m

"Ça souffle ! Mais de là à décréter une alerte orange vents violents et vagues de submersion... Je me suis connu beaucoup plus téméraire ! Quand je pense que ma moustache s'était retrouvée en plein milieu des montagnes pendant les tempêtes Alex et Barbara l'an passé... Un vrai pantouflard ! Voilà ce que je suis devenu ! Quoi qu'il en soit, cette nouvelle pause ne pourra pas faire de mal...
J'ai bien analysé le pourquoi du comment de cette blessure. Le volume kilométrique ? Sûrement. Ma surcharge dorsale ? Peut-être. Le contraste entre les différents revêtements de sol ? Ça n'a pas dû aider. L'autonomie totale empêchant une récupération optimale ? Probablement. L'amplitude thermique de la semaine dernière (avec ses matinées très froides et ses après-midis très chauds) ? Sans aucun doute.
Tout ceci peut évidemment expliquer l'état de ma jambe... Mais si j'étais simplement tombé dans le grand traquenard du GR34 ? Tous ces contournements de cours d'eau qui vous empêchent d'avoir une réelle visibilité sur votre avancée. Vous vous retrouvez alors pendant plusieurs heures sans possibilité de vous ravitailler et vous hydrater bien que l'eau soit partout ! Mais saumâtre ou salée... Un manque d'hydratation qui aura été fatal.
Je vais donc dorénavant revoir mes ambitions à la baisse : des journées de 40 à 45 kilomètres qui me permettront de gagner 2 à 3 heures de marche. L'objectif étant de prendre plus de pauses pendant l'effort, augmenter ma plage de récupération, et faciliter ma recherche d'emplacements de bivouac et de points d'eau.
Bibote, il va falloir changer ton braquet pour terminer cette aventure ! "Abandonner" ne faisant pas partie du dictionnaire d'Haricot, ta moustache devra ménager sa monture. Arriver à Hendaye quelques jours plus tard ? 90 ou lieu de 80 ? Et alors ? Ça ne fera que 10 jours supplémentaires pour garnir mon impressionnante cagnotte en faveur de l'association "les Ailes de Matis"...
Eh oui ! En voilà un moustachu qui ne perd pas le nord !"

Jour 56 : "Le miracle anti-capituliste"

Départ : Arzon - Arrivée : Bétahon
Distance : 59,02km - Dénivelé : +411m/-468m

"La tempête Aurora avait encore de beaux restes ce matin. Embarqué par la force éolienne s'engouffrant dans mon poncho, j'ai même eu la chance de découvrir les plaisirs du deltaplane. Mais attention ! Avec ma jambe droite toujours enflée et mon tibia très sensible, interdiction de rater son atterrissage !
Heureusement, ce fort vent trois-quarts arrière me permet d'avancer à très bonne allure et sans trop de difficulté. Et, allez savoir pourquoi, je sens l'étau autour de ma jambe se desserrer au fil des heures... 10, 20, 30 kilomètres... Mon œdème vient de disparaître ! Seule une grosse boursouflure bien installée sur mon tibia viendra me rappeler que je ne suis pas encore pleinement rétabli. Mais pour ce qui est de marcher longtemps et vite, aucun problème !
Alors ? Est-ce un miracle ? Je dirais plutôt que c'est une récompense. Nous vivons aujourd'hui dans l'ère du capitulisme. Nous capitulons sur tout et pour tout. Dans quel but ? Facilité, sécurité, tranquillité... Encore et toujours les mêmes vices d'un fléau nommé "confort".
Ma moustache ne sera jamais capituliste ! JAMAIS !!! On ne va pas se mentir : ce jusqu'au-boutisme lui cause bien souvent des tracas... Il arrive cependant que la récompense à sa résistance soit là. Aujourd'hui c'est une convalescence éclair. En attendant celle de demain..."

Jour 57 : "Par la petite porte"

Départ : Bétahon - Arrivée : Pont d'Armes
Distance : 54,34km - Dénivelé : +545m/-565m

"Tiens, un nouveau numéro de département sur cette plaque d'immatriculation... 44. Mon magnifique bolide du passé arborant fièrement son 40 dans mes Landes chéries, 44 doit être... A, B, C, D... Oui ! Je l'ai ! Loire-Atlantique !
Une plaque 44, puis deux, trois... Mais où sont passées les 56 ??? Ce n'est pas comme ça que je vais faire mes adieux au Morbihan ??? Mes adieux à la Bretagne ???
Et pourtant si... Dans l'anonymat d'une nuit brumeuse... Éclairé par la fine lueur de ma lampe frontale, je quitte ainsi les sentiers Bretons. Sans même m'en apercevoir !
Une sortie par la petite porte... Après tout ce que l'on a vécu ensemble, cela aurait sûrement mérité mieux... Mais je ne reviendrai pas sur mes pas pour te faire un discours larmoyant ! Hors de question avec ce froid de canard !
Ma moustache est donc officiellement entrée sur de nouvelles terres. Un nouveau département, une nouvelle région, et probablement deux petites journées pour rejoindre Saint-Nazaire !
Allez ! Sans rancune et merci pour tout ma jolie Bretagne !"

Chapitre 20 : "Bye bye GR34"

Jour 58 : "Mister Freeze"

Départ : Pont d'Armes - Arrivée : Le Croisic
Distance : 52,77km - Dénivelé : +242m/-212m

"4h00 du matin... Mes paupières ont pris la sage décision de s'ouvrir avant de rester définitivement collées à mes cornées. Tout est en train de geler autour de moi ! Nous ne sommes même pas en novembre ma parole ! Comment peut-il faire aussi froid ???
Vite ! Mon petit pissou nocturne et après je me couvre pour terminer cette nuit sans me transformer en glace Mister Freeze emballée dans son sac de couchage ! Un Mister Freeze saveur moustache ? Miam !
Une paire de chaussettes, un slip, un short, un pantalon souple, un pantalon de randonnée par dessus le pantalon souple, un teeshirt manches courtes, un teeshirt manches longues sur celui à manches courtes, une doudoune pour recouvrir le tout, et... Passons à la tête. Un tour de cou sur le crâne et un autre autour de la gorge.
La température pourra même baisser un peu : je n'ai pas atteint mes limites textiles ! En remettre une couche ? Pourquoi pas... Il me reste des gants, deux slips, deux paires de chaussettes, un autre short, un teeshirt manches courtes supplémentaire, un teeshirt manches longues de secours, un pantalon de pluie, une veste de pluie, une veste coupe-vent, et bien sûr mon nouveau poncho top moumoute !
Si avec une liste aussi exhaustive les gens me questionnent encore sur la composition de mon sac, j'arrête de publier mon journal de bord."

Jour 59 : "Ambivalence"

Départ : Le Croisic - Arrivée : Saint-Brévin-les-Pins
Distance : 53,20km - Dénivelé : +477m/-464m

"Comment se termine le GR34 ? Comme ça. Une ultime balise sur un panneau "céder le passage" annonçant le dernier rond-point avant le pont de Saint-Nazaire. Pas de gilets jaunes, pas de tapis rouge... Absolument rien.
2000 kilomètres démarrés au pied du sublimissime Mont Saint-Michel pour arriver sur un carrefour giratoire ??? Eh oui ! Une entrée en matière et un épilogue qui résument parfaitement cet ambivalent "Sentier des Douaniers". 38 journées entre émerveillement et frustration, joie et colère, bonheur et souffrance.
Beaucoup conseillent et donnent leur avis... Ils ont vu des "reportages", lu des "magazines", sont "allés en vacances", ont "entendu dire que". Je ne permettrai pas de faire de même : je préfère simplement faire.
Ma moustache vient donc de franchir le pont de Saint-Nazaire et d'atterrir sur la rive sud de la Loire. 40 minutes d'apocalypse. La circulation frénétique, la pluie à torrent, le vent violent... Une bien belle manière de débuter le dernier chapitre de mes tribulations ! Un dernier chapitre sous le sceau de l'improvisation. L'improvisation totale et ce petit défi personnel qui m'anime : la barre "Jules-Vernique" des 80 jours pour atteindre Hendaye. Mon tour du monde instrospectif n'en aurait que plus de saveur. Même si certains me conseilleront encore de prendre mon temps... Car ils savent comment s'y prendre... Eux."

Jour 60 : "Pêcheries"

Départ : Saint-Brévin-les-Pins - Arrivée : Port du Bec
Distance : 68,65km - Dénivelé : +379m/-410m

"Il ne fait pas bon être un animal aquatique en Loire-Atlantique ! Elles sont partout ! En y réfléchissant bien, c'est peut-être dans une pêcherie que je pourrais aussi refaire ma vie. Des planches, un ponton et quelques pilotis pour faire ses adieux à la modernité et toutes ses tracasseries. Quel pied ! Pas dans l'eau, mais presque...
Mais on n'est pas là pour refaire le monde aujourd'hui. Mes jambes ont l'air réactives et j'ai réussi à apprivoiser cette douleur au tibia en modifiant légèrement ma foulée : avec un peu d'effort, je serai en Vendée dès ce soir.
Voilà qui est fait ! Une grosse journée à dévorer les balises du sentier du GR8 et j'arrive déjà à quelques encablures de Saint-Hilaire-de-Riez. Que c'est bon pour le moral de constater son avancée sur une carte quand une étape est si linéaire ! On se sent de suite plus fier de sa moustache !
Fier mais pas orgueilleux : demain il ne faudra pas déroger à la traditionnelle journée allégée pour récupérer un peu. En rêvant d'une pêcherie, seul, bercé par le clapotis de cet océan infini... Il y aurait une mouette avec moi. Elle s'appellerait Corinne ou Brigitte. Euh... Attends Bibote... Ça fait très prénoms de comptables ou de secrétaires de direction. Pour une mouette je ne suis pas sûr que...
Qu'est-ce que je raconte encore ??? Allez ! Au dodo !"

Chapitre 21 : "Escapade Vendéenne"

Jour 61 : "Déconnexion"

Départ : Port du Bec - Arrivée : Saint-Jean-de-Monts
Distance : 27,94km - Dénivelé : +85m/-80m

"Il aura fallu 32 années à ma moustache pour créer un compte sur un réseau social. Une double traversée des Pyrénées, des photos et des impressions à partager, et ça y'est : sa nouvelle vie interconnectée a démarré.
Au milieu de clichés de pouffes en tenues compressives, de vidéos de chats se regardant dans un miroir, de messages d'humeur smileytisés à l'orthographe douteuse, pas facile de trouver sa place. Il faudrait évidemment que j'en fasse beaucoup plus : rabâcher, rabâcher, rabâcher et encore rabâcher. Mon projet, mes performances, mes motivations, mon quotidien, moi, moi, moi et moi. Des "storys", des "lives", des "likes", des abonnements, des réponses aux commentaires, de l'interaction avec la "communauté"...
Chaque soir (ou matin quand mes paupières sont au tapis), je passe une à deux heures de mon temps à publier sur la toile mon journal de bord. Un journal que j'essaie de rendre le plus qualitatif et décalé possible malgré la fatigue. En 61 jours écoulés depuis mon départ, cela aura amputé ma récupération de nombreuses heures de sommeil ou de soins qui auraient été très précieuses. Pour quel résultat ? Très peu de partages et un nombre extrêmement limité de donateurs.
Décevant ? Non : prévisible. Je déteste depuis toujours les réseaux sociaux et ils me le rendent bien ! Il me devient de plus en plus difficile de faire "le métier" et d'ouvrir cette petite fenêtre sur le superficiel. Quand vous faites tout pour fuir les travers du monde qui vous entoure en les ayant dans votre poche le jour et à votre chevet la nuit, le combat est perdu d'avance...
Mais pour l'association "les Ailes de Matis" et les enfants de l'hôpital Necker, je m'évertuerai à repousser le seuil de tolérance socio-digitale de ma moustache ! Je serai un vrai guerrier jusqu'à Hendaye ! Et après... La quille ! La libération ! La déconnexion ! Enfin !!!"

Jour 62 : "It isn't over"

Départ : Saint-Jean-de-Monts - Arrivée : Les Sables-d'Olonne
Distance : 50,38km - Dénivelé : +190m/-159m

"Oh non ! Ça ne va pas recommencer ! Ce clou dans mon tibia... Ce clou qui à chaque appui hasardeux vient s'enfoncer plus profondément. Mais cette fois c'est différent : après le tibia droit, le gauche !
Dans mon malheur, j'ai tout de même deux chances : que cette vive douleur se soit déclenchée lors de la journée allégée d'hier, et que "no, it isn't over". "It isn't over" parce que je crois savoir d'où vient finalement ce mal. Mes chaussures ont largement dépassé leur péremption kilométrique et sont complètement détruites. Un facteur très agravant de... périostite tibiale !
Le hasard faisant bien les choses, je n'étais ce matin qu'à une quinzaine de kilomètres d'un magasin de sport lourdement achalandé. Ces fameux magasins où "no, it isn't over". Je finirai donc mon périple avec une nouvelle paire de chaussures ! Inaugurées dès cet après-midi, j'ai de suite senti le bénéfice sur mes gambettes. Effet placebo ? On verra bien demain...
Et mes défuntes godasses de compétition ? Elles ont fini leur vie dans une poubelle... Je suis conscient qu'elles auraient sûrement mérité meilleure issue... Surtout après tous ces moments de bonheur et de galère partagés avec ma moustache ! Mais ces petits détails matériels ne sont pas importants : seuls les souvenirs importent. Et celui de leur odeur finale restera gravé au plus profond de ma mémoire nasale !"

Jour 63 : "Millimètres"

Départ : Les Sables-d'Olonne - Arrivée : La Faute-sur-Mer
Distance : 52,21km - Dénivelé : +231m/-188m

"Cette pinède, ces dunes, ces plages à perte de vue, ces sons de déferlement continue... Quelque chose de très familier s'offre à moi en Vendée. Et si j'étais déjà de retour à la maison ? On va de suite regarder une carte pour revenir à la raison... Les Landes ce n'est pas pour tout de suite !
Cependant ma moustache s'en rapproche... Demain le sable Vendéen ne sera plus et c'est en Charente-Maritime que mes pieds viendront s'enfoncer de quelques millimètres à chaque foulée. Les spécialistes ne voient souvent la difficulté d'un parcours qu'à son dénivelé. Mais quand ces petits millimètres sont soudain des dizaines de milliers de petits millimètres additionnés un à un, vous le comprenez enfin... Non : les montées et les descentes n'ont pas le monopole de la peine.
Mais j'aime marcher dans le sable... Je n'attends même que ça depuis le début de mon aventure. Pourquoi ? Car il est bien souvent le plus court chemin pour conduire ma moustache à son destin. Et même s'il me reste encore des millions de millimètres avant d'y parvenir, chaque jour qui passe me rappelle que je n'en suis bientôt plus très loin !"

Chapitre 22 : "Au pays des huîtres et des marais"

Jour 64 : "Le tombeau"

Départ : La Faute-sur-Mer - Arrivée : La Rochelle
Distance : 55,56km - Dénivelé : +129m/-134m

"Encore 7 kilomètres au bord de cette départementale maudite... Nom de Dieu ! Ma cavalcade est en train de se transformer en marche funeste !
Sur un bas-côté épais comme un fil de soie, les voitures me frôlent et se mêlent au vent pour me faire vaciller d'un point cardinal à un autre. Certains monstres carrossés hurlent de tout leur klaxon en signe de désapprobation. J'ai évidemment choisi de errer sur cette voie uniquement pour le plaisir de dévier leur trajectoire de quelques centimètres... Parfois, et malheureusement de plus en plus souvent, les gens sont complètement co... Complètement dans l'air du temps. Mais stop à la sociologie ! Il faut se reconcentrer !
J'enjambe des ragondins sans vie. Le trépas de ces pauvres bêtes vient me rappeler que j'ai la chance de posséder une moustache à 185 centimètres au dessus de la leur. Du moins de celle qui ornait leur museau quand il n'était pas encore aplati sur le tarmac... Cette hauteur doit sûrement tout changer pour flairer le danger. Et puis un bouquet... Puis un autre... Non Bibote, ta taille ne changera rien : cette route est un tombeau et il faut au plus vite arriver à son terminus avant qu'il ne soit le tien.
Une ligne droite perdue entre les canaux du marais Poitevin aura donc été plus dangereuse que tous les passages vertigineux rencontrés depuis mon départ. Cette peur qui tout à coup se déclenche, ces jambes qui soudain s'emportent avec une cadence infernale, cette adrénaline qui mue l'espace d'un instant un esprit en algorithme : je n'avais plus connu ça depuis longtemps.
Jusqu'à ce que tout retombe... Lentement. Les timides lueurs de cette journée maussade s'effacent sur le détroit du Pertuis Breton. Je me retrouve à nouveau seul dans la quiétude d'un sentier désert. Guidé dans la pénombre par le scintillement du pont de l'Île de Ré, j'aperçois au loin La Rochelle. L'arrivée de mon étape est en vue. Enfin."

Jour 65 : "Le monde du travail"

Départ : La Rochelle - Arrivée : Rochefort
Distance : 53,98km - Dénivelé : +120m/-190m

"Et l'Île d'Yeu ? Et l'Île de Ré ?? Et l'Île d'Oléron ??? Eh bien non : je ne contournerai aucune des trois ! J'ai d'ailleurs une explication très rationnelle à ce choix... J'aurais tout simplement pu affirmer que ce sont des îles, et par conséquent pas tout à fait le littoral. La raison principale de ma décision n'est cependant pas cette interprétation géographique. Mais alors quoi ? J'y viens...
On peut dire que l'envers du décor des aventures Bibotiennes n'est pas très reluisant... Une situation socio-professionnelle bientôt au fond d'une faille océanique ! Pas de logement, pas de travail, et une radiation ou désinscription de tous les organismes étatiques d'indemnisation oisive. À cela s'ajoute le solde d'un compte en banque qui tend à se rapprocher de plus en plus dangereusement du niveau de la mer... Oui Bibote : à ton retour, il va d'urgence falloir trouver un emploi. Ne serait-ce que pour te nourrir de produits bas de gamme que tu iras débusquer dans les tréfonds des rayons d'enseignes "discount".
Mais comment s'intégrer au mieux dans sa nouvelle boîte ? En impressionnant ses collègues par sa connaissance des "astuces". Je me vois déjà parader devant Monique du service RH et Yves de la maintenance informatique avec un premier grand coup qui mettra en avant mes capacités organisationnelles : des jours de RTT adroitement positionnés sur un calendrier pour aller faire la tournée de tous les bars à huîtres insulaires. Cette mission de haute voltige me nécessitera évidemment toute la fraîcheur des yeux de la découverte (et surtout des huîtres...). Je me laisse donc ces destinations de charme pour plus tard.
Quant à la vie en entreprise ? Rien que d'y penser fait déjà faner ma moustache... Serais-je "une énorme feignasse qui attend que ça tombe" comme certains me le rappellent trop souvent ? Si ce n'était que ça..."

Jour 66 : "Hors-sujet"

Départ : Rochefort - Arrivée : Pointe de la Coubre
Distance : 59,80km - Dénivelé : +294m/-328m


"En cette veille de la Toussaint, c'est un petit interlude sur le parcours du GR4 qui m'attendait. Suivre un balisage c'est bien, mais s'il vous conduit partout à l'exception de la côte alors que votre principal objectif consiste justement à la longer... Stop !!! Cap à l'ouest ! Un pare-feu de plusieurs kilomètres à travers la pinède Charentaise et me voilà enfin sur la plage ! Le hors-sujet intégral du dimanche est évité de justesse...
Puisque nous sommes dans le hors-sujet, il est temps que ma précieuse se transforme en moustache de hussard chafouin et qu'elle pose ses c(itr)ouilles sur la table ! La France n'a-t-elle pas suffisamment fait preuve de sa grande Histoire pour s'éviter des horreurs pareilles ??? Je veux parler d'Halloween bien sûr ! Dans un pays où l'on se demande s'il faut interdire l'installation des crèches de Noël sur les lieux publics, on autoriserait donc cette fête païenne monstrueusement mercantile ?
Pourquoi fait-on croire au peuple Français que ses principales missions sont aujourd'hui de détruire ce qui fait toute l'exception de la France ? S'inspirer de l'autre peut évidemment faire grandir. La liberté d'entreprendre, le goût du dépassement, le sens du patriotisme : voilà des vertus inspirantes de nos lointains cousins d'outre-Atlantique. Mais non... Nous, nous préférons leur bouffe dégueulasse, leurs séries abrutissantes et leurs fêtes débiles. Je m'arrêterai là pour me préserver du courroux des inquisiteurs de la bien-pensance numérique...
Moi, Bibote d'Haricot, l'amoureux de la France éternelle, je suis très très énervé ! Et ce n'est pas une poche cancérigène de bonbons chimiques qui me calmera ! Heureusement qu'une dernière ligne droite "sableuse" de 10 kilomètres en direction du phare de la Pointe de la Coubre s'en est chargée..."

Chapitre 23 : "L'ultime défi"

Jour 67 : "L'Everest"

Départ : Pointe de la Coubre - Arrivée : Mortagne-sur-Gironde
Distance : 54,65km - Dénivelé : +459m/-442m

"Nous y sommes ! Le dernier grand défi psychologique de mon aventure. Et quel défi ! Une embouchure... Encore... Mais cette fois pas n'importe laquelle ! La Gironde !
Il ne s'agira pas de parcourir une trentaine de kilomètres pour atteindre le premier pont qui la surplombera. Non... À peine un peu plus... Pas loin de 150 ! Jusqu'à Bordeaux ! Oui : Bordeaux ! Rien d'autre avant ? Des ferries... Et qui dit ferry, dit moteur. Qui dit moteur, dit essence. Qui dit essence, dit pétrole. Qui dit pétrole, dit "Tintin au pays de l'or noir". Qui dit Tintin, dit Capitaine Haddock. Je vais m'arrêter là... Cela pourrait durer une éternité.
Tonnerre de Brest !!! Alors que j'allais justement terminer ma journée allégée sur une aire de camping-car grand confort. Ne voilà-t-il pas qu'un éclair vient brusquement fendre le ciel ! Dans la foulée, l'orage se met à gronder et un mur d'eau s'abat sur ma pauvre moustache ! Tant pis pour la pause ! Je serai mieux à marcher avec mon abri mobile de poncho, qu'à poiroter sous la flotte ! Et c'est ainsi que 20 kilomètres sous une pluie battante plus tard, je me retrouve à installer mon bivouac sous le porche de la capitainerie du port de Mortagne-sur-Gironde.
C'est exactement comme ça que je l'avais imaginé ! La pluie, le vent, la route... Je viens juste de quitter son pied et il me donne déjà du fil à retordre ! Son pied ? Oui... Le pied de mon ultime grande ascension sur l'axe des abscisses. Il va falloir quitter la côte durant quelques jours en direction de son sommet. Le sommet de mon "Everest". Mental..."

Jour 68 : "La défaite"

Départ : Mortagne-sur-Gironde - Arrivée : Saint-Androny
Distance : 44,85km - Dénivelé : +110m/-61m


"9h31 : Tiens... Le ciel est dégagé ! Et si les prévisions météorologiques catastrophistes s'étaient fourvoyées ?
9h32 : Ben non en fait... C'est parti mon kiki ! La pluie tombera bien jusqu'à la nuit...
Je me prépare à cet épisode fluvial depuis plusieurs semaines. Tout est exactement comme je l'avais prédit : des lignes droites "sublimées" par un temps de chien. Il va falloir faire abstraction : cette rive sud n'existe pas, cette pluie n'existe pas, ce vent n'existe pas, ces routes n'existent pas, ces...
"POOOW !!!"
Oh !!! Mais il a failli me tamponner celui-là !!! Ces voitures n'existent pas...
Et puis, à 10 kilomètres du terme de mon calvaire, c'en est soudain trop pour ma moustache... La cocotte-minute explose : une crise de colère qui vaudra largement la somme de toutes les précédentes. Je hurle ma haine de cette étape dont je vomis chaque petit centimètre. Impossible de poursuivre ma marche dans ces conditions. C'est le moment de s'assoir pour réfléchir à ce caprice d'enfant gâté. Je pourrais continuer ainsi en vociférant pendant des heures... Les averses et les rafales ne s'estomperont pas, les routes seront toujours aussi affreuses et monotones, et les voitures continueront à me caresser les épaules.
Je rejoins finalement mon point d'arrivée terrassé par la pesanteur de la défaite. Une nouvelle fois j'ai perdu la bataille émotionnelle. Je savais que contourner cette embouchure serait redoutable. Je ne suis pas déçu... Et demain ? J'aurai droit à une revanche. En attendant la belle d'après-demain !
En parlant de défaite... J'ai bien l'impression que le ciel aura fait tomber plus de gouttes sur mon museau que d'euros sur ma cagnotte. Mais la barre symbolique des 1000€ est atteinte ! Un très grand merci aux derniers donateurs !
Et à celles et ceux qui se posent encore des questions sur leur pouvoir d'achat : dépêchez-vous !!! Il reste moins de deux semaines pour dépasser le million !"

Jour 69 : "Civilisation"

Départ : Saint-Androny - Arrivée : Bordeaux
Distance : 60,08km - Dénivelé : +357m/-401m


"Après Dunkerque, Calais, Le Havre, Brest, Lorient, Vannes, La Rochelle et toutes les autres, ma moustache vient de vivre son dernier grand moment urbain. La traversée de toutes ces villes ne lui laissera pas des souvenirs impérissables...
Ces regards qui dévisagent et qui parfois défient... Pas de doute : je ne suis pas chez moi ici ! Accélère le pas Bibote ! Et n'oublie pas que tes bâtons peuvent te servir à autre chose qu'à marcher... Mais je me défendrai de tout amalgame... Un "sentiment" d'insécurité ? Peut-être... Le danger de la civilisation ? Si tant est qu'elle le soit encore... Civilisée...
L'obstacle Bordelais est quasiment franchi ! Ouf ! C'est à présent le Médoc qui m'attend... Deux jours à travers la vigne en direction de la pointe de Grave. Un dernier effort avant une dernière ligne... Probablement pas si droite que ça !"

Chapitre 24 : "Grands crus"

Jour 70 : "Vinaigre"

Départ : Bordeaux - Arrivée : Pauillac
Distance : 54,98km - Dénivelé : +116m/-173m


"Une bonne nuit de sommeil et un repas copieux chez Pierrot et Justine les copains Bordelais (un grand merci à eux pour leur accueil !) et ça repart forcément à fond les ballons !
Mais quand une journée commence dans un brouillard à couper à la machette... Quand la qualité du revêtement de la départementale que vous empruntez serait digne d'un décor de film post-apocalyptique... Quand chacune des voitures qui flirte avec votre moustache se transforme en cartouche de fusil d'assaut de plusieurs centaines de kilos... Quand la végétation d'un bas-côté semble tout juste débarquée d'un séjour en immersion dans la forêt Amazonienne... Votre enthousiasme retombe de suite comme un soufflet et vous n'espérez qu'une chose : sortir de là au plus vite avant que tout ne tourne au vinaigre !
Heureusement (il aura tout de même fallu attendre jusqu'à 15h00...), l'épaisse brume Girondine viendra laisser place à un timide soleil automnal et les bas-côtés en jachère se transformeront en vignes impeccablement entretenues. Un peu de répit l'espace de quelques kilomètres ! Je savoure ces instants millésimés au milieu des splendides domaines viticoles du Médoc. Jusqu'à ce que le soleil disparaisse à nouveau dans un dernier ballet orangé avec une vigne ornée de ses plus belles parures de saison.
La nuit est de retour. À nouveau la vigilance... À nouveau la concentration maximale dans une pénombre brumeuse déchirée par les phares... Au bord de ces routes, les bêtes humaines pas toujours très regardantes sur leur compteur de vitesse et les marquages au sol rendent votre avancée très énergivore. Un état de stress permanent tellement épuisant... Vivement la quiétude des bords de mer ! Encore un jour Bibote ! On s'accroche !"

Jour 71 : "De l'eau dans son vin"

Départ : Pauillac - Arrivée : Soulac-sur-Mer
Distance : 56,11km - Dénivelé : +80m/-110m


"Ma mer, je te retrouve enfin ! Cinq jours déjà que je t'avais quittée ! Pour le pire et parfois le meilleur. Le meilleur ? Nous n'irons pas jusque-là... Mais je vais quand même mettre un peu d'eau dans mon vin : il faut bien admettre que cette parenthèse Médocaine ne fut pas si désagréable que ça. En oubliant ces grappes de voitures plus pressées que du raisin en fin de vendanges évidemment...
Je rejoins donc Soulac-sur-Mer avec une petite émotion : cet écho, que j'entends de nouveau en m'approchant pas après pas de la plage, ne m'accompagnera sûrement plus qu'une dernière petite semaine. Il ne me reste à présent qu'à me laisser porter par des jambes transformées en ailes pour rejoindre Hendaye.
Il faudra cependant se méfier : ma moustache a encore quelques centaines de kilomètres à parcourir et tout n'est pas joué... Ma mésaventure de la soirée est là pour me ramener à la raison : dans une station balnéaire aussi désertée que désertique, il est parfois impossible de trouver le minimum vital à la fin d'une longue journée d'effort. J'aurais eu beau tourner et tourner... En vain. Ma gourde restera vide ce soir. Tiens donc... Encore une histoire d'eau..."

Jour 72 : "Ben Bryan from North Shore"

Départ : Soulac-sur-Mer - Arrivée : Carcans Plage
Distance : 53,57km - Dénivelé : +85m/-82m


"Avec plus de trente années d'expérience dans le monde l'ennui, ma moustache dispose d'une solide expérience pour égayer les journées monotones. Il lui faudra faire appel à tout son savoir-faire aujourd'hui et les jours qui viennent.
Pourquoi ne pas imaginer des petits jeux très distrayants ? J'ai plein d'idées ! Le jeu de la montre : tenter de regarder sa montre le moins souvent possible. Le jeu des montées d'eau : calculer son cap afin de marcher à fleur d'eau quel que soit l'état du marnage sans jamais se mouiller les chaussettes. Le jeu de la compèt' de surf : commenter une compétition de surf fictive sur des vagues vides avec un accent Australo-Hawïen impeccable.
Oh my gooooosh !!! It's an amazing wave !!! Great barrel !!! But what time is it ? Quoi ??? Seulement 16h07 ??? Mais tout à l'heure il n'était que 15h48 !!! Aaaaah !!! My feet !!! Et voilà le travail... Monsieur est complètement inattentif et ses pattounes sont trempées. Fucking day...
Bon beh... J'ai perdu. Rendez-vous demain pour une nouvelle partie. Et après-demain aussi... Et dans trois jours... Et... Myyy god !!! A big set is coming !!! Ben Bryan from North Shore only needs a seven points wave to win this event !!!
Ça commence à être long... Vivement Hendaye..."

Chapitre 25 : "Cap au sud"

Jour 73 : "Shutter Island"

Départ : Carcans Plage - Arrivée : Cassy
Distance : 60,90km - Dénivelé : +159m/-126m


"À peine deux heures de marche... Même pas encore à Lacanau et je sens déjà que je vais devoir virer bâbord... Une nouvelle étape de plus de 50 kilomètres sur le sable ? De plus de 50 kilomètres en ligne droite ? Je ne supporterai pas.
Je vais devenir fou ! Impossible d'atteindre le phare du Cap Ferret dans ces conditions. La dernière personne complètement azimutée (mon probable état psychiatrique si je continue ainsi) qui a eu le malheur de s'approcher d'un phare en pleine nuit... Oui : elle a très mal fini !!! C'était dans un film de Martin Scorsese ? Et alors ? Il est hors de question que ma moustache se fasse lobotomiser la coquille comme Leonardo !!!
En parlant de coquille, voilà une bien meilleure issue qui se présente à moi : le balisage du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. La voie de Soulac plus précisément. Allez hop, c'est parti ! Balises jaunes et bleues, je vous suis !
Le bassin d'Arcachon se dévoilera sous un épais crachin nocturne quelques heures plus tard. Une petite balade en forêt qui aura fait passer la pilule sans coûter le moindre euro à la sécurité sociale. Et le phare du Cap Ferret ? C'est sur une autre rive que je le regarderai..."

Jour 74 : "Aller longtemps"

Départ : Cassy - Arrivée : La Teste-de-Buch
Distance : 36,42km - Dénivelé : +43m/-30m

"Dernière petite pause aux portes de mes Landes chéries. Le planning de cette fin d'aventure en tête, j'en suis maintenant sûr : je vais le faire !
Je partais pourtant dans l'inconnu il y a quelques semaines. Le parcours qui se présentait à moi était véritablement colossal. 80 jours ? Peut-être... Un peu plus aussi... Il ne fallait surtout pas y penser... Ces réflexions calendaires permanentes m'auraient fait perdre la tête.
Et si ma moustache avait enfin trouvé la quintessence de son expression athlétique ? Si elle savait aujourd'hui comment tirer pleinement parti de son potentiel physique ? Elle était probablement destinée à ce type d'effort : une maison sur le dos, une distance folle, et... "démerde-toi" ! Pas de chronomètre, pas de record, pas de concurrence... Personne à rattraper, ni à ses talons. Ne jamais aller trop vite et ne jamais aller trop loin... Aller longtemps. Être réfléchi, rustique et résilient.
Il n'y a rien d'extraordinaire à tout ça. Je ne suis pas un champion. Pas un petit. Pas un grand. Ce mot est utilisé bien trop souvent... Il en perd ce caractère d'exception qui fait toute sa signification. Moi je ne suis qu'un moustachu avec beaucoup d'imagination. Et d'ici quelques jours, je serai de retour à la maison !
Mais il ne faut pas oublier que j'avais une autre mission ! Et quelle mission ! Aider l'association "les Ailes de Matis" à submerger les enfants malades de l'Hôpital Necker de cadeaux à Noël ! Alors dépêchez-vous ! Donner, diffuser, partager... C'est aussi l'emballage final pour la cagnotte et son temps est à présent compté !"

Jour 75 : "Les Landes"

Départ : La Teste-de-Buch - Arrivée : Parentis-en-Born
Distance : 54,73km - Dénivelé : +217m/-193m


"Entre fierté et nostalgie, un sentiment très particulier me traverse... Je ne sais pas exactement où, mais j'en suis maintenant sûr : je suis entré dans les Landes.
Ce département n'est pas le plus grand, pas le plus riche, et sûrement pas le plus beau. Pourtant, c'est celui que je préfère. Et de loin... Pour quelles raisons ? Parce que c'est le mien. Rien de plus.
Les plages, les vagues, les dunes, les lacs, les rivières... Et bien sûr la forêt. Cette forêt dans laquelle le "progrès" n'a pas sa place.
Je me vois déambuler des jours durant au milieu des pins. Au sol, le tapis d'aiguilles est tellement confortable... On pourrait y faire des siestes infinies sans être fakir. Se coucher, regarder ces immenses tiges partir de droite et de gauche. Emportées par la brise océanique mais rattrapées par leurs racines. Ma moustache est toujours rattrapée par les siennes...
À l'heure où ils sont chaque jour plus nombreux à se revendiquer "citoyens du monde", je suis heureux d'être modestement citoyen de ma forêt. N'en déplaise à ceux qui voient de l'œil de la suffisance tout autre accroche que celle à leur gloubi-boulga normo-hygièno-consummo-globalisé.
Venir passer quelques jours dans la nature, et son confort très "relatif", ferait d'ailleurs beaucoup de bien à ces erzats d'êtres humains. Le froid de canard (Landais évidemment) de ces longues nuits d'automne leur rafraîchirait sûrement la mémoire... Et sans piqûre de rappel..."

Chapitre 26 : "Un air de déjà vu"

Jour 76 : "Les rêves déchus"

Départ : Parentis-en-Born - Arrivée : Contis-Plage
Distance : 47,11km - Dénivelé : +97m/-93m


"Le statut de vagabond confère d'étranges pouvoirs... Les sédentaires, d'habitude si distants, se rapprochent, s'interrogent, et très vite se confient. Le vagabond sera l'oreille éphémère de leurs rêves déchus.
Des rêves ? Je n'en suis pas si sûr... Mais je ne dirai rien... J'écoute et j'acquiesce, sentant que parler au vagabond leur fait le plus grand bien.
"Je rêve de partir plusieurs jours à l'aventure comme vous. Mais j'en serais incapable... Vous avez du courage !"
Tais-toi Bibote... Écoute, acquiesce, et surtout ne dit rien.
C'est bizarre... Prendre un sac et fuir quelques jours notre monde semble si simple. Largement plus simple que s'envoler vers une autre planète ou marquer un but en finale de coupe du monde... Alors est-ce vraiment un "rêve" ?
"Incapable" ? Chacun est capable de faire ce dont il est capable. Il suffit de s'inventer des rêves à sa mesure. Est-ce réellement un problème de capacité ? Je n'en suis pas certain.
"Du courage" ? Pas plus que ça. Les gens ont probablement beaucoup plus de peurs que je n'ai de courage.
Ce soir le vagabond a marché lentement sur la plage. Éclairé par un croissant de lune incandescent, il a repensé un court instant à ses discussions avec les sédentaires. Ils doivent tous être quelque part... Sur un canapé, un fauteuil ou une chaise. Leurs rêves d'aventures se sont depuis bien trop longtemps évadés par une fenêtre qu'ils ne pourront jamais ouvrir. Ils seraient pourtant capables de l'éteindre... Mais ils ne le feront pas. Peut-être en ont-ils peur..."

Jour 77 : "Post-Scriptum"

Départ : Contis-Plage - Arrivée : Seignosse
Distance : 54,42km - Dénivelé : +390m/-393m


"Tiens... Un moustique qui court sur la plage avec une planche... Un moustique qui court ??? Un moustique avec une planche ??? Un moustique qui court sur la plage avec une planche ??? Mais si c'était...
"Hey !!! Mhous Tikh !!!
- Oooh ! Bibote ! Déjà de retour !
- Déjà...
- Regarde-moi ces waves ! Au moins 4 mètres !
- Ces... "waves" ?
- Des vagues quoi... Mais "waves" ça fait plus "surf" ! Mate un peu cette board !
- Que je "mate" ? Une "board" ? Tu as changé Mhous Tikh...
- Toi aussi tu as changé. Tu flottes dans ta tenue et tu sens le fromage.
- C'est sûrement ma soirée raclette...
- Impossible ! On ne maigrit jamais pendant une soirée raclette !
- Je parlais de l'odeur...
- Une soirée raclette... Pfff... Tu parles d'une aventure...
- Son final ressemble en effet plus à une escapade gastronomique. Tout le monde fait la fête au retour de ma moustache !
- Et tu ne leur as pas encore fait un énorme big up... Ingrat.
- Un "big up" ?
- Une dédicace. Mais "big up" ça fait plus "surf".
- Rien à voir avec le surf... Non, j'attends le PS.
- Alors tu risques d'attendre longtemps ! 4 pourcents d'intentions de vote en 2022...
- Je parlais de la dédicace... Un "Post-Scriptum".
- Regarde cet énorme set qui rentre !!! Il y a au moins... 8 mètres !!!
- Un "set" ? 8 mètres ??? N'importe quoi...
- Je vais t'expliquer quelque chose Bibote... Les waves, c'est comme avec les moustiques femelles : ce n'est pas la taille qui compte.
- Même pour un voyage de 4000 kilomètres ?
- Tu m'as manqué Bibote.
- Toi aussi Mhous Tikh."

Post-Scriptum : Un grand merci à Erwan, Luc, Philippe, Claire, Bastien, François, Agnès, Fabrice, Ludovic, Jean-Philippe, Anaïs et les z'ados de Loun pour tous ces moments gourmands depuis hier soir. Cela faisait quelques semaines que mon ventre attendait ça... 

Jour 78 : "Naufrage"

Départ : Seignosse - Arrivée : Anglet
Distance : 48,06km - Dénivelé : +265m/-246m


"Je touche au but...
Les traditions ne se perdent pas... Le ciel est chargé pour célébrer mes premiers pas en terres Basques. Je rêverais qu'il se mette à pleuvoir... Que les cordes déferlent et que le temps s'y suspende. Faire le choix serait sûrement plus facile... Ce choix entre une liberté trempée et une soumission sèche.
Pourquoi ma moustache s'embête avec tout ça ? Elle n'aura bientôt plus les moyens de faire un choix... Eh oui Bibote : le manque d'ambition à un coût. Tout courant qu'il soit, je ne remplirai jamais un compte en usant mes semelles...
En y réfléchissant bien, je finirai mouillé quoi qu'il arrive. Le navire sur lequel la "vie" m'oblige à rembarquer est en train de sombrer... Sauter par-dessus bord ? Croupir en cabine ? J'ai une bien meilleure solution... Quelques mois pour reconstruire un canot de sauvetage. Puis regagner le rivage avant que tout ne recommence...
Un jour notre paquebot Monde touchera vraiment le fond. J'espère être témoin de son naufrage en restant trempé sur la plage..." 

Chapitre 27 : "La fin d'un rêve"

Jour 79 : "Vanille Chocolat"

Départ : Anglet - Arrivée : Hendaye
Distance : 34,48km - Dénivelé : +548m/-584m


"J'aurais pu parader triomphalement sur la promenade de cette immense plage d'Hendaye. Il devient tellement de bon ton d'en faire toujours trop à notre époque... Heureusement pour la décence, une simple friandise et quelques amis m'auront largement suffi.
Longer toute la façade occidentale de notre magnifique pays pour une glace ? C'est complètement débile diront certains... C'est pourtant ainsi que j'avais rêvé cette arrivée. Enfin pas tout à fait...
J'ai souvent songé à ce final en apothéose durant ces longues semaines à arpenter la côte. Du soleil, une terrasse, un serveur avec un tablier noir impeccablement repassé... Et bien sûr un petit supplément chantilly ! Mais tout ceci est bel et bien fini... C'est dans une supérette, après plusieurs milliers de kilomètres, que je serai allé chercher mon magnifique trophée.
Je n'ai jamais volé, frappé, tué... Un citoyen lambda me direz-vous. Apparemment je ne le suis pas et ne le serai plus encore longtemps. J'espère comprendre un jour quelle mouche nous a piqués. Du moins j'espère comprendre que je ne suis pas en train de tout comprendre...
Enfin bref... Je laisse les polémistes polémiquer et les hommes devenir des damiers. Le méchant loup pourra toujours se regarder dans cette glace. Il y verra le reflet de sa moustache et sera fier. Quoi qu'il arrive et qu'il en coûte...
Vite ! La mer monte ! Il est l'heure de dévorer ma récompense avant qu'elle ne soit trop sucrée salée ! Nous conclurons cette aventure demain !
Avoir la bouche pleine ne doit pas faire oublier l'essentiel... Il reste peu de temps pour les retardataires ! La levée de fonds en faveur de l'association "les Ailes de Matis" et des enfants malades de l'Hôpital Necker est sur le point de se terminer. Alors merci aux derniers donateurs et merci d'avance aux prochains derniers des derniers !"

PS : Merci à Chachou, Binôme et Coach. Toujours au top et là quand il le faut !

Jour 80 : "Épilogue"

"Avec ce sac qui se défait, c'est toute une histoire qui se retrace. Une balade de 4000 kilomètres à fleur d'horizon. Là où le découragement tutoie l'émerveillement...
Le prochain obstacle à franchir ne se racontera pas. Ce retour sur une terre beaucoup trop ferme ne sera pas du genre à s'exposer aux yeux de tous. Le sevrage de l'effort physique, la resociabilisation, la précarité, le prolétariat... Car c'est aussi ces orages qu'il faut savoir affronter en partant à l'aventure. Accepter (de force ou de gré) de retrouver un monde toujours plus fou dans lequel votre folie a toujours moins sa place...
Ma prochaine fuite se prépare déjà. Jusqu'où me mènera-t-elle ? Loin d'ici. À la recherche d'un nulle part où ma moustache pourra se retrouver. En attendant, et malgré tout, il va falloir savourer.
Un jour mon vieux corps rouillé se rappellera de ces 79 jours. De cette eau trop salée pour s'abreuver mais trop belle pour s'oublier. De ces grains de sable, ces ports, ces fleuves, ces falaises, ces criques, ces galets... Il regardera au loin ces kilomètres de plages et se dira qu'il l'avait fait : d'une frontière à une autre, c'est toute une côte qu'il a longée.
Ayant de plus en plus de difficultés à m'adonner aux tristes joies de réseaux sociaux, je profite de cette conclusion pour remercier tous les donateurs, suiveurs, commentateurs... Ceux qui de près ou de loin ont partagé ce voyage à leur façon. Merci pour votre soutien et rendez-vous ailleurs !"

Derniers souvenirs...